J’ai avalé mon histoire comme j’ai mangé la tienne, Poète, Sculpteur ou Peintre d’éternité au présent… Quel repas, dis-tu, avons-nous partagé ? À quand, et avec qui , le prochain ? On verra... On lira ... | Marie-Thérèse PEYRIN - Janvier 2015

ETATS DES YEUX | Novembre 2024 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 47 | (se) rendre compte...

 

 

Sororité

 

 

 

"Toutes les choses vont en tas et quand ça disparaît... C'est fini pour le monde"

[...]

" Avec tout ça moi je m'en vais, je m'en retourne, c'est la vie qui me suffit"

 

Paola Pigani,  Le château des insensés, Editions Liana Levi, Février 2024, p.268

 

 

Les sales nouvelles en continu, les révélations, les suspicions, les anathèmes, les procès, les  scandales, les minimisations tout s'amoncelle devant nos regards et j'en viens à douter de mon propre jugement. Les images mentent , elles se télescopent et se retournent en un rien de temps, elles ne disent qu'une certaine vérité du moment pour quelques postes d'observation médiatique qui manquent souvent de partialité ou développent à outrance une prudence énonciative qui  bégaie et sonne faux. Coupable, pas coupable. Responsable, irresponsable. Chaque cas est soulevé avec des effets de manches et une excitation malsaine. C'est ce qui est retenu ( drôle de paradoxe) dans ce qui est dit (on devrait tout dire pour bien faire) qui fait date et manches de journaux ou en mosaïques d'infos sur internet. Le procès Pélicot en France est un Tsunami. Le procès Palmade une dégringolade lamentable. Les autres procès pour atteinte à la liberté et l'intégrité corporelle des femmes ne sont que des confettis de plaidoiries au regard des dégâts millénaires et incessants. Le mot viol et le mot infanticide hantent les consciences. Ils sont inclus dans toutes les guerres et dans les groupes sociaux dysfonctionnels à huis-clos.

La détonation de cette phrase de Dominique Pélicot  prononcée à son procès me laisse sans voix :

  • Je voulais soumettre une femme insoumise, par fantasme et par égoïsme" (sic)

Voici un aveu clair de toutes les perversions systémiques du patriarcat triomphant. Avec le droit de cuissage et de domination octroyé unilatéralement.

Je ne suis pas prête à me taire de sitôt devant une telle ignominie. Les femmes ont un grand chantier de déblayage de la honte devant elles. Oui, Gisèle Pélicot a rouvert la voie et déterré les voix des victimes. 

Je pense à ma mère. Elle aurait aimé connaître cette femme. Elle aussi , elle aurait voulu faire mettre en prison son agresseur. A l'époque, les filles violentées et engrossées se cachaient sous l'opprobe et la honte générales.


ETATS DES YEUX | Novembre 2024 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 46| Jour noir

 

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Encaisser ou ne pas encaisser, le résultat est le même...

Journée noire pour la démocratie... et les femmes en particulier...

Journée noire pour autre chose aussi de plus intime.

Les mots sont des savonnettes...

Je les laisse fondre dans l'eau glaciale.

Il faudrait plusieurs sources pour assainir les gros flots d'inquiétude et

de peine que je partage avec d'autres.

Je ne suis que sidération et tristesse.

 

L'écriture reste sans pouvoir revitalisant.


ETATS DES YEUX | Octobre 2024 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 43 | Un temps de Toussaint



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25.10.24

Une profusion de fleurs sur le siège arrière de l'auto et devant sur le siège passager à droite . Préparer la tournée rituelle de trois cimetières Beaujolais.  A quelques kilomètres de distance, trois lieux de mémoire éteinte que je tiens à rallumer tendrement. Une préférence ou deux. Mais je peux les traiter à égalité. Il y a des morts qui ne touchent plus autant la peau profonde. Des souvenirs qui s'étiolent. Cependant la mort se débrouille toujours pour irriguer le présent et s'incarner à chaque instant. L'éloigner n'est pas difficile, mais elle revient comme une mèche rebelle devant les yeux qui s'embuent facilement. Mettre les chagrins successifs à distance occupe beaucoup de temps. Ne pas durcir son coeur par négligence. Ne pas chercher à fuir devant le néant. Fleurir nos propres mort.e.s c'est fleurir tout le monde. Du ciel les cimetières de Toussaint en pente sont beaux à voir. 

Fidélité à des lignées où la mort prématurée a changé la donne. Grands-pères remariés. C'était l'époque. Un homme ne peut pas rester seul. Surtout après avoir vécu la guerre de 14-18. Deux femmes rapportées, une opportune (une relation galante ?) et une exilée d'Italie. Des ambiances viticoles. Nous aimions côtoyer cela, surtout pendant l'été, et au moment des vendanges.

Aujourd'hui les ancêtres intriguent encore. Leurs os ont disparu. Ne subsistent que très peu de photos en noir et blanc ou sépia. Les patronymes et les prénoms d'antan sont des trésors. Leur dispersion étonne.

Nous ne fréquentions pas les cimetières villageois mais on nous en parlait souvent. Il y avait des choses à savoir. D'autres à oublier. Les familles sont des mausolées de non-dits. Elles sont source de légendes, de drames et de compromis.

Deux tombes de marbre sombre, une tombe à gravier avec bac de terre devant. Deux sépultures  glacées façon bourgeoises, une de  facture modeste, ma préférée. Ne jamais les abandonner. Mission maternelle implicite. Chacune pourtant inspire des sentiments différents, je les sens complémentaires.

Honorer les personnes mortes connues ou inconnues est un rituel précieux. Il nous confronte à notre propre disparition qui devient de plus en plus crédible. Il rend la présence vivante vitale à savourer .

Ne pas avoir de sépulture identifiable est une malédiction. Certain.e.s diront que Non ! D'autres font du spiritisme. Je veux faire autrement. L'au-delà me paraît inaccessible. Je me contente de l'idée de réincarnation cosmique à partir d'une stèle même périssable. Elle compte au moins pour quatre générations. 

Car il n'y a rien de plus triste que l'anonymat des fosses communes ou des carrés pour indigent.e.s.

Les disparu.e.s en mer s ou en camp de déportation sont des fantômes inconsolables. 

La naissance et la mort sont des jalons essentiels et indispensables pour comprendre la valeur d'un parcours et d'une existence, quelle qu'elle fut.

Les fleurs sont dans la voiture. Multicolores et fières. Elles attendent une manière concrète de courte procession annuelle et personnalisée. Elles savent à qui s'adresser... Elles savent donc où mourir... Elles ont pourtant la charge de résistance à l'oubli.

 

Il y aura plus tard quelques tombes Ardéchoises à visiter , dans "ce pays de cailloux" comme  le qualifiait notre grand-père au regard triste. Notre mère a inauguré l'espace dédié aux crémations, elle a été la première en Mai 2003, l'ayant fait réclamer à la mairie. Il n'était pas question de cendres dispersibles... Son petit carré de marbre rose n'est jamais défleuri et il déborde. Elle y a retrouvé notre père en Mai 2017. Cette année, une petite céramique avec la photo du couple redonnera un peu de vie aux bons souvenirs de ces deux-là. Les médaillons individuels avaient perdu de leur éclat et l'un des deux s'était brisé au changement des plaques nominatives. Les réunir me rend heureuse. Eloge du recueillement libre avec des gestes inédits.

 

 


ETATS DES YEUX | Octobre 2024 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 40 | Automne

 

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Quand les vents sont contraires,

appuie sur eux ton échelle et grimpe

 

Attends que ta colère

comme le vent se fatigue

 

Pose une pierre sur ton ombre

et pars en courant

 

Si tu sais aimer le plus bête des cailloux

tu sais aimer

 

Mon ami Tchang dit

que les vraies amitiés

sont comme les neiges éternelles

elles sont tout en haut

 

Jean-Pierre Siméon

Le livre des petits étonnements du sage Tao Li Fu

CHEYNE éditeur, 2016

 

 

Reprise des notes ici, plusieurs événements déclencheurs

Besoin de faire le point sur l'écriture rassembler les idées d'abord

Dépasser l'écoeurement et le découragement...

Encore une fois la vie déborde et dévaste

je ne digère plus  mentalement le trop plein

le trop plein de mort

le trop plein d'images glauques

le trop plein de mots vides 

Les lâchetés et les violences s'agglutinent à longueur d'écran

Le struggle for life affiche ses combines et ses exactions

L'enfance est massacrée, profanée

Des femmes sont bridées, violées et parfois tuées

La misogynie revient en force aussi dans la politique

Dans les comportements mafieux et complaisants

les dictatures prospèrent et gangrènent la justice

les peuples sont trahis et instrumentalisés 

le dieu pognon décide qui doit vivre et qui doit mourir

Rien de nouveau sous le soleil  mais celui-ci est devenu

un ennemi, un pilleur d'eau même contaminée

On attend que ça pète et ça hurle déjà au plus fort

au plus malin au plus cynique au plus méprisant

Même le Printemps des Poètes en rajoute sans le vouloir

Il prône La poésie volcanique... comme si ça ne suffisait pas...

le grabuge le chaos la débandade l'exode la mutilation le marasme

Je ne crois plus à la naïveté  aveugle d'une poésie qui sauve  le Monde,

d'ailleurs le mot Sauveteur est masculin et porté aux nues quand ça arrange

Il permet de justifier toutes les guerres et les passages à l'acte perpétuels

Les agressions et les sauvetages font s'égosiller les sirènes partout  dans la cité

Des couteaux perforent, des explosions déchiquettent,

Des détresses, des destins brisés sont enfouis sous des silences et des gravats.

La spirale du crime se répand dans la plupart des pays

sous  la tutelle des marionnettistes géodélocalisés

 

J'ai peur des bombes, des drones, des avions de chasse, des ouragans

et des volcans. J'ai peur des hommes qui  partent tuer des vivant.e.s,  

les enferment, les refoulent ou les torturent au physique comme au mental.

Tous les jours nous abreuvent avec les images de haine à côté des scores du CAC 4o

ou de la nouvelle tenue vestimentaire de l'épouse du président,

de l'inconséquence de gros bébés hargneux à jouets nucléaires... 

La coupe est pleine et je n'écrirai pas de poème utile dans ces conditions. 

Je vous trouverais du courage à en avoir encore envie

Car pendant ce temps là et cela m'attriste, les egos des poètes et des artistes cherchent une niche  confortable pour continuer à créer dans la pagaille générale. Ils courent tous et toutes après les sous de subvention ou de mécénat pour prendre de la distance avec la réalité, en parler en "spécialistes" avec des mots justes et excitants.  Aujourd'hui on va "chercher la parole" des gens pour en faire des livres et de jolies fictions qui font vibrer le cortex émotionnel et sensuel. Le parler mal et vulgaire fait la Une. On choisit soigneusement les insultes et on les répète sur les chaînes de TV... Le bégaiement haineux et moqueur remplace l'analyse et le respect de l'autre, le débat équitable. Jeu de miroirs déformant. Ping Pong de la médiocrité. La société actuelle favorise cette recherche de mise au pilori et il faut changer de bouc émissaire pour ne pas s'ennuyer... On n'y comprend plus rien...  Mensonges et sur-mensonges, fake news comme sport international. On n'a pas le temps de penser d'aplomb... On tombe dans l'idiotie et le spectacle graveleux... Rien d'intéressant dans tout cela. 

Alors je préfère écouter de la musique et ne plus répondre aux orgueilleux.

 

A l'instant... Pluie de missiles depuis l'Iran...

Une femme en veste rose fuschia parle devant une image de ville en miettes...

Tellement banal  tellement odieux tellement triste

 

 


Hommage intime et ultime à l'Ami Charles JULIET (1934-2024)

           

JUJURIEUX CHARLES ET ML JULIET photo Mth privée


 

"UNE VRAIE LETTRE"

 

 

Tenter de dire écrire. Ou plutôt comment

j'écris ; en cette matière, chacun ne peut 

parler que pour soi, faire ce qu'il peut avec

ce qu'il est. On ne se dépasse pas. [...]

On ne change pas de peau comme de chemise;

or écrire, c'est risquer la peau, pas la chemise, sauf 

erreur.

 

Antoine EMAZ, D'écrire un peu, 2018,

AENCRAGE & Co 

 

       

Cher immense Ami ,Charles,

                                                            Les mots me reviennent lentement, un à un,  comme des enfants penauds devant ta disparition trop soudaine. Je ne l'ai pas encore dit à ton jeune copain A. qui me demande parfois de tes nouvelles. Pour ma part, je n'encaisse toujours pas ton départ irréversible. Bien sûr, tu disais que le moment approchait, que tu le sentais, que tu le vivais, que tu étais serein dans ta tête. "Il ne me reste pas beaucoup de temps", "mon temps est précieux", "je dois travailler à mon Journal", "je classe mes notes, j'avance", "à Jujurieux je n'arrive pas à écrire, il fait trop chaud dans mon grenier, maintenant j'écris en bas pour être auprès de M.L"... Le sourire, la gêne ou la gravité qui accompagnaient tes propos résonnent encore dans mon oreille. J'avais pourtant bien mesuré la différence entre ce que tu disais, ces trois dernières années et la réalité supposée qui me faisait douter de la facilité de ton vieillissement accéléré, sans indice suffisant. Je m'y attendais en sourdine... A fortiori,  ta vitalité, de moins en moins détectable, après la longue maladie d'Alzheimer de ta compagne, ton soutien continu à ses côtés, puis son décès dans des conditions de déconfinement covid encore pénibles et contraignantes. Elles ont rendu les choses presque inhumaines en Septembre 2020... Nous avons pu tout de même l'accompagner ensemble le 15 Septembre, jusqu'à la sépulture généreusement ouverte par ta famille d'adoption : les RUFFIEUX, chère à ton coeur. Depuis la mort de ta précieuse M. L , toutes les calamités se sont accumulées pour se liguer contre ta santé. Les limitations physiques de l'âge ont fait le reste. Ton sentiment d'immortalité et non d'invulnérabilité en a pris un coup. "Ce sont les circonstances qui ont dicté mon silence " m'as -tu dit, au début... "Pardonne-moi", "Beaucoup de choses ont changé "...  Et en effet, je n'ai pas compris tout de suite, les raisons de ton éloignement  soudain et surtout ce qui se tramait pour toi avec tes difficultés de plus en plus grandes de maintien au domicile. J'ai eu du mal à glaner de tes nouvelles en direct à cette époque. Tu étais souvent hospitalisé... D'innombrables chutes t'ont conduit aux urgences, tu te fustigeais en disant que c'était ta faute, et tu ne voyais peut-être pas venir un diagnostic médical qui a tout expliqué ou presque. C'était la nouvelle donne... Par la suite, et sous médicaments, sédaté, je t'ai vu confus et peinant à former tes phrases. "Je ne sais plus parler"...  Bardé de sagesse, tu as pris ton sort en patience. Tu as retrouvé des forces mais beaucoup perdu en autonomie. Tu as organisé ta petite vie rétrécie autour de ton lit médicalisé. Tu ne renonçais pas à exprimer tes exigences, mais tu laissais faire la nature, tu semblais résigné et docile. Mais ce n'était que l'apparence. Ta tristesse a pris la forme d'une certaine pente dépressive. La médecine a fait face... Tu as fait le vide relationnel autour de toi , ou tu l'as subi... Tu as eu besoin d'être à nouveau materné... J'avais du mal à comprendre comment tu vivais les choses de l'intérieur "au présent", tes paroles sont devenues rares et évasives.  Tu étais redevenu le taiseux que j'ai bien connu au début de nos rencontres, sauf dans tes livres. Mais " l'amitié intacte" m'as-tu dit, était là, elle a su garder sa place un peu cachée, parfois brouillée par des interférences. C'est ainsi que tu as cultivé et parfois un peu négligé tes nombreux jardins d'amitiés féminines un peu pressantes. Tu aimais l'exclusivité et cloisonner les personnes que tu rapprochais de ta voix... Tu t'étonnais souvent qu'elles se connaissent et qu'elles se parlent... Tu n'y tenais pas... Dans la dernière année, chaque moment de contact même dilué dans la routine hospitalière a été précieux. Les silences ont pris de l'ampleur, les gestes suffisaient, les regards surtout, je me souviens des clins d'oeil dans la foule, véritables transgressions réjouissantes ... Tu étais un séducteur discret et moins timide que dans ta jeunesse. A présent, tu vivotais dans ce décor si peu naturel, dans l'une de ces  " chambres exiguës étouffantes " et parmi les intrusions fréquentes. Certaines personnes aux avant-postes, ont joué les soutiens et les intermédiaires avec " le corps médical " jusqu'à ton admission en EPHAD, faute d'alternative. J'ai regretté qu'elles n'aient pas sollicité davantage ton entourage amical élargi et serviable. C'était ton choix, m'a-t-on-dit et tu as opté pour une structure plutôt vieillotte et défraichie, au fonctionnement austère, presque militaire. Finalement, ça devait t'aller... j'imagine...Tu connaissais le Directeur et avait envisagé que M. L . y  soit admise si elle avait survécu... Un cahier d'émargement à l'entrée et une présence de cerbères tant au téléphone qu'au seuil de cette grosse maison engoncée et accrochée à la colline de la Croix-Rousse, m'ont vite dissuadée de venir constater de visu ta situation et de recueillir tes impressions. J'ai été très en colère de cette orientation et des mesures de protection juridique qui t'ont été imposées. Je savais qu'elles allaient accélérer les choses et t'assigner au lâcher prise .. Tu auras tenu six mois et demi dans cette dernière chambre étrangère à ta vie... Je suppose que tu gardais de bonnes relations avec le personnel et que tu as pu être sécurisé par la ritualisation  et la prévisibilité monotones de tes journées. Heureusement, j'ai pu me rassurer à mon tour en échangeant plusieurs fois au téléphone avec toi lorsque ta ligne personnelle a été indépendante du standard.  J'ai très mal vécu cette période, puis je me suis résignée moi aussi à cet empêchement  inédit de notre relation habituelle joyeuse et chaleureuse . Après  27 ans de dialogue ininterrompu,  de l'automne au printemps, nous avons donc été séparés, incompréhensiblement mal, et sans anesthésie... Je garderai de toi ce goût d'inachevé, comme un abandon réciproque et involontaire.  Le 10 Juillet, je t'annonçais mon départ imminent en Ardèche et que tu allais recevoir une énième carte postale... Ce jour là, ta voix était très claire, comme ressuscitée... Ta mort m'affecte profondément... Pour me consoler, je souris de voir que jusqu'au bout, sur la photo de Didier Pobel qui t'a vu la veille de ton départ,  tu as gardé ta montre à bracelet de cuir au poignet que je regardais souvent et cela m'a amusée, même si cela ne te servait désormais qu'à attendre l'heure du repas, du journal télévisé, d'un match de rugby, ou encore écourter une visite importune, avec un coup d'oeil distrait mais visible de ton interlocuteur ou trice, j'imagine que tu reprenais souverainement,  ton temps à toi. Tu étais un homme de rendez-vous et d'attentes.  Sur la photo toujours, tu avais quitté tes lunettes, tu les quittais toujours quand quelqu'un voulait te photographier... à 89 ans, tu n'en avais plus vraiment besoin.  Le goût de la lecture s'était étiolé...Ta dernière tenue simplifiée m'a intriguée. Le polo léger à ras le cou, toi qui aimais protéger ta gorge. Tu portais souvent un foulard ou une écharpe, et dès l'automne une casquette. Mais j'ai reconnu ton pantalon élégant, sa couleur... J'avais en tête nos derniers dialogues, jusqu'à que je te raccompagne en bas de chez toi, peu avant tous tes tracas... Il me semble que c'était hier... Le rituel ludique des aurevoirs à répétition ( se retourner au moins deux fois pour faire un signe de la main) le sourire aux lèvres. La confiance des retrouvailles régulières pendant des années...Le bonheur fou des retrouvailles... Le supplice et le délice de l'attente récompensée... Après la mort de M.L. nous mangions souvent ensemble.

Pour qualifier notre Amitié vive, je pensais à l'histoire du Petit Prince et à son protocole de l'apprivoisement avec son risque de perte associé. Ce n'était pas la couleur des blés qui nous reliait, mais la moisson de tes livres que je tenais et tiens toujours et désormais plus encore près de moi, pour entendre définitivement ta voix jusqu'à ma propre mort. Ta voix vivante, je ne l'entendrai plus en aparté et elle me manque affreusement ... Je suis contente qu'il existe une ressource de l'enregistrement de tes lectures ou conférences sur internet. Les émissions littéraires radiophoniques et télévisées depuis Bernard Pivot, Philippe Lefait (Les mots de minuit), Alain Veinstein (Du jour au lendemain), François Busnel ( qui te prédisait le Nobel... devant ton air dubitatif) m'ont permis de voir le décalage entre ta vie publique et ta vie privée. Tu n'aimais pas la vie mondaine, l'esbrouffe, la vantardise, tu étais très sévère sur le comportement de tes contemporain.e.s,  tu décelais la moindre trace d'orgueil et de vacuité dans leurs propos ou leurs livres. Tu prétendais souvent déceler qui d'entre eux ou elles avaient effectué "la grande aventure ", pour passer du moi au soi... Tu pouvais en parler pendant des heures et argumenter ton jugement. Tu l'as écrit parfois... Il t'est arrivé à plusieurs reprises de t'éloigner d'écrivains homme ou femme qui t'avaient déçu ou incommodé. A Paris, pour rencontrer ton éditeur principal P.O.L, tu allais systématiquement chez Sylva Villerot dans le quartier du Marais et votre amitié de jeunesse, partagée avec M.L a survécu jusqu'à leur disparition à toutes les deux. La fille de Sylva , Laurence a grandi sous tes yeux, elle te voue une affection filiale et réciproque. Les plus belles photos de toi, notamment sur le site de P.O.L sont de Sylva. Une page a été tournée au moment de la parution du volume X de ton journal.

Mes souvenirs se mêlent à tout ce que j'ai pu glaner te concernant, et j'ai l'impression de te connaître bien plus que la réciproque. Je n'ai jamais cessé de te lire. Pourtant mon histoire familiale rejoint la tienne et celle de milliards de personnes confrontées aux traumatismes de la vie. Je n'aurais jamais cherché à écrire, si je ne t'avais pas rencontré. J'ai eu conscience très tôt de l'intérêt du silence lorsqu'il évite la propagation de l'angoisse, là où il faudrait la neutraliser pour passer à autre chose. Non pour la nier, ou la sublimer. Plutôt pour l'identifier, la circonscrire et la tenir en respect.  Ton oeuvre témoigne de cet effort parfois surhumain pour dépasser le sentiment d'indignité ou de malédiction, pour accepter ce qui advient en toute lucidité, sans crispation, ni lâcheté. L'un de tes poèmes les plus forts est resté gravé dans ma tête et mon coeur...  Il  figure en quatrième de couverture de Affûts.  J'aime l'entendre dans ta voix comme dans celles de femmes comédiennes qui l'ont repris. Il est sans doute pour moi le meilleur de tes autoportraits.

 

chassé

livré à la nuit et à la soif

 

alors il fut ce vagabond

qui essaie tous les chemins

franchit forêts déserts

et marécages

quête fiévreusement

le lieu ou planter

ses racines

 

cet exilé 

qui se parcourt  et s'affronte

se fouille et s'affûte

emprunte à la femme

un peu de sa terre et sa lumière

 

ce banni que corrode

la détresse des routes vaines

mais qui parfois

aux confins de la transparence

hume l'air du pays natal

et soudain se fige émerveillé

 

Affûts, Poèmes , P.O.L, 1995

 

Il me faut à présent me résigner à terminer cette lettre, la dernière de celles que je t'aurai adressées . Je te laisse nous quitter et nous laisser dans le silence lumineux et blafard d'un été douloureux. Je reçois toute ta compassion et le courage que tu nous donnes pour nous séparer. Tu es délivré des mots, tu n'as plus rien à prouver. L'amour est partout où ton souvenir rejaillira. Tu es comme "l'épervier qui prend son vol" conquérant et moqueur, loin de ces volières de "stupides tourterelles"... Tu voulais la paix, la voici ! Et elle est éternelle à souhait. Qu'en feras tu mon Ami perdu ?

 

Avec toute ma tendresse.

Marie-Thérèse PEYRIN

inédit

 

 

 


ETATS DES YEUX | Mai 2024 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 22 | Printemps

CETTE NOTE EST MON 108 ème AJUSTEMENT D'IMAGE (s)

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Lectrices et Lecteurs sont les bienvenue.s

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Il y a des choses qui occupent tellement leur place

qu'elles parviennent à se déplacer elles-mêmes

et repoussent tout alentour,

comme d'invraisemblables créatures qui débordent de leur peau

et ne peuvent se réabsorber.

 

Ainsi parfois la poésie ne me laisse pas écrire.

L'écriture reste alors écrasée

comme la pâture sous un gros animal.

Et il n'est possible de recuellir que peu de paroles

piétinées dans l'herbe.

 

Mais tout poème n'est qu'un balbutiement

sous le balbutiement sans fin des étoiles.

 

Roberto JUARROZ, Treizième poésie verticale

 

 

En Janvier je notais : Le silence est une voie d'attente que j'ai choisie sur ce thème précis : la mort des gens que j'aime.

 

Tout va trop vite désormais. C'est ma vie tout entière qui glisse vers un certain silence. L'anecdote quotidienne ne fait pas le poids face à ce qui se trame et qui engloutira tout. Mais le paradoxe surgit, étonnamment rebelle, celui de ma joie de vivre, constellée de petits miracles. La vie autour regorge de circonstances plus ou moins heureuses qui défilent comme des comètes. Au loin, le drame des guerres, si proches mentalement par tous les récits familiaux et les témoignages incessants qui pullulent dans les livres et les reportages. L'humain ne sait pas rester en paix pour attendre sa propre mort et il l'inflige aux autres de toutes les manières. Mort physique, mort sociale, mort spirituelle, toutes les morts s'additionnent et ne reste que le silence sépulcral que tout le monde fuit. Du bruit partout et en toute impunité, les décibels sont semés et récoltés comme du blé dru, leurs grains éclatent sous la pression des amplificateurs. C'est la grand moulineuse à sons inarticulés mêlés aux paroles vaines qui nous étourdit et nous égare dans le présent. Apprendre à chercher le silence demande du courage et un renoncement sans repentirs. J'ignore si j'en suis capable encore. Et pourtant, je savoure l'absence de mots et d'histoires dans une forêt qui n'est même pas comptable de son destin. Chaque arbre tait sa propre histoire, il se laisse dévorer et décimer sans commentaire. Il n'y a pas plus déchirant que le craquement sinistre d'un arbre percuté par la hache électrique qui  s'effondre de toute sa hauteur au milieu des siens. L'arbrisseau n'a pas la main sur ce qui conditionne sa croissance hormis cette propension à la survie séminale nichée au coeur de ses racines. Et que dire à l'échelle humaine, sur toutes ces populations déracinées qui  n'ont pas comme moi la possibilité de s'arrimer au passé et de pouvoir secrètement le visiter au fil de souvenirs vibrants.

 

Racines Pilat

 

 

 

 

 

 


ETATS DES YEUX | Mars 2024 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 13 | Printemps

 

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où sont les comptines 

les jeux de ficelle

le chant des légendes

les vieux candélabres ?

dans les livres qui brûlent , dans les livres.

 

Mickaël GLÜCK, Impératif, p.170-171,

L'Atelier contemporain - Printemps été 2000 - Numéro 1

 

    Maintenant qu'il y a des visages mortuaires dans les cartes mémoires de mon portable... ( avant je n'aurais jamais osé... mais peut-on garder des cendres  dans un album de famille et y joindre des noms prénoms et légendes ? ), chaque photographie dans le monde présent des vivants  prend valeur de sursis et d'éphémère longuement scruté . Je n'ai plus d'appréhension à côtoyer les morts qui se multiplient autour de moi. Je me sens un devoir d'assistance...Ne riez pas ! Cela ne sert à rien mais ça a du sens.

    Je n'ai pas écrit ici depuis Janvier. J'aurais eu trop de choses à dire ou à taire. J'aurais eu l'impression de franchir des frontières interdites entre pudeur et besoin de décompression émotionnelle. Le deuil se porte à bout de patience et de regrets encombrants. Il faudrait presque une écriture spéciale pour traverser l'épreuve. Mais aucune de celles qui sont proposées dans les livres et dans les rituels religieux ne convient. Il faut pouvoir inventer quelque chose pour soi-même d'abord et savoir le partager quand c'est possible. Le silence est une voie d'attente que j'ai choisie sur ce thème précis : la mort des gens que j'aime.


ETATS DES YEUX | Janvier 2024 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 04

CETTE NOTE EST MON 107 ème AJUSTEMENT D'IMAGE (s)

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Semaine 4 Année XXIIII -  Mercredi  24 Janvier

La mort  la vie tout se mélange depuis ce début d'année et l'écriture pourtant vivace se retrouve coincée comme cette famille de violettes au seuil d'un édifice religieux. Quelque chose d'impérieux aspire à la lumière que tout seuil embrigadé de bois et de clous cherche à confisquer. C'est bien dehors que tout se passe, dans l'air des rencontres, même posthumes. Les naissances sont des appels d'air et de courage. 

 

"La mort arrive la vie s'en va" disait J. à ses proches les derniers temps.

Roger Dextre n'a pas eu le temps de dire grand chose, un courant d'air l'a soulevé.

Deux bébés sont venus toquer à nos oreilles : une fille et un garçon.

Pour un début d'année

c'est plutôt contrasté.

 

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J. au balcon - auréolée de sa Bignone Ardèche

 

    Ma chère J., qui n’est pas que la mienne... Curieusement, nous ne nous sommes jamais écrit avant... C’est la troisième et dernière lettre que je t’envoie, pour la première que tu n’as pas reçue, et dans  ma confusion du moment, j’avais mis le numéro de rue de notre ancienne adresse parentale, la lettre m’est revenue (un mois plus tard...) Je t’en ai écrit une deuxième... Entre-temps ta santé s’est beaucoup dégradée... Tout est allé trop vite...Un an après ton cher Jo tu as pris la même route vers le lieu mystérieux connu de vous seuls, et où tu voulais le rejoindre. Peut-être la grotte où il se cachait pendant l'occupation allemande dans la garrigue profonde ? Ta maladie invasive et douloureuse t’a donné un furieux élan et nous voici tous ensemble, bras ballants et profondément chagriné.e.s par ton grand départ pourtant annoncé.

Qu’as-tu laissé derrière toi de nos tendres souvenirs d’enfance ? Nous n’avions pas fini d’en faire l’inventaire, tu le sais. Tu aimais en parler, et j’aurais aimé pouvoir le faire encore en ta présence, dans ton salon, de vive voix.

Tu fais partie de nos vies depuis la naissance de notre petit frère P., et même avant, lui qui est devenu le vôtre d'enfant, dès Février 1966, j’avais 9 ans... Tu as épaulé et soulagé la vie de notre mère comme personne avant toi. On vous appelait  « travailleuses familiales » et vous vous êtes succédé chez nous pour aider notre mère épuisée. Tu avais compris sa détresse dans cette famille trop nombreuse où elle perdait courage, moral et santé. Grâce à toi, elle a pu reprendre des forces et vos relations sont devenues très solidaires, amicales et complices jusqu'à sa mort en 2003.

Vous vous compreniez sans avoir besoin de parler, vos conciliabules étaient permanents et tu as pris une place de plus en plus grande dans son cœur. Lorsque je vous regardais, j’avais l’impression de voir deux grandes personnes presque soeurs plutôt graves et très protectrices. Je ne t’ai jamais entendu crier , ni gronder, tu cherchais toujours à comprendre, à apaiser, tu aimais t’occuper de nous malgré notre désordre, nos chamailleries et nos bêtises.  Tu m’avais appris à débusquer la "poussière verticale "sur les meubles cirés, je n’avais pas compris jusque-là  que ça pouvait exister... Tu m’as raconté une kyrielle de souvenirs dont je ne me rappelais plus. Tu me disais que je me réfugiais dans mon lit pour découper et écrire sur plein de petits papiers que tu ramassais par terre, ça te donnait du boulot supplémentaire mais ça te faisait rire aussi. Tu savais rendre "nickel" une maison à marmaille échevelée . Les trois premiers  frangins étaient turbulents et pas faciles à calmer lorsqu’ils jouaient ensemble surtout M. . La petite sœur donnait aussi beaucoup de souci, elle grandissait mal et elle accaparait beaucoup l’attention maternelle. Notre père travaillait énormément, il était de moins en moins disponible, il était débordé lui aussi.

    Tu nous a tous gardés pendant plusieurs jours à la mort du grand-père maternel en Mai 1967 et ce fut le début de ton attachement  profond  au dernier-né qui a trouvé dans tes bras, et dans ceux de Jo les soins et l’amour supplémentaires que vous aviez en réserve. Vous êtes devenus ses parents de secours et nous trouvions cela naturel. Il dormait à moitié chez nous, à moitié chez vous. Vous êtes devenus les grands-parents de ses propres enfants N. et M.

Tu nous as tricoté des montagnes de pulls, d’écharpes et de bonnets. Tu tricotais devant la télévision sans regarder tes aiguilles. Cela nous fascinait. Tu t'es arrêtée quand tes yeux n'ont plus voulu et que tes rhumatismes ont pris d'assaut tes articulations. Tu étais toujours en mouvement et très ritualisée. Tu aimais les voyages et vous en avez fait plusieurs à la retraite. Vous étiez économes mais curieux de tout. Votre lune de miel s'est répétée plusieurs fois. C'était votre meilleur sujet de conversation aux retours, sur le canapé du salon.

Plus tard, mais tu ne travaillais plus chez nous, nous avons partagé le temps des vendanges, et c’est l’un de mes souvenirs ardéchois les plus joyeux. Un jour tu m’avais prêté ton solex pour rejoindre l’équipe. J’aimais les odeurs et les couleurs de la vigne, la bienveillance des adultes auprès des plus jeunes qu’ils initiaient au travail avec des blagues perpétuelles et bon enfant. Nous étions poissés de rires et de jus dégoulinant. L’usage du sécateur semblait nous donner du galon dans la confiance. Nous étions fiers. Un boulot sérieux et rémunéré. Mon premier argent de poche je crois. Vous aimiez nous voir grandir. Mes frangins faisaient les marchés mais ils étaient partants eux-aussi, c’est flou dans ma tête sauf nous tous parmi vous sous le soleil de septembre et le beau visage triangulaire de Jo  partageur de melons aux gamins du quartier l'été sur la placette. Ce devaient être des jeudis ou des samedis après-midi.

Dans nos dernières conversations car mes visites étaient systématiques à la fin, nous parlions du passé, de la guerre et de vos trajectoires de vie. Deux orphelins de mère qui ont trouvé à s'entendre et à se consoler mutuellement. Votre douceur et votre sens de l'accueil ont été très précieux.

Toi et Jo avez été de toutes les fêtes importantes et figurez sur les photos dans toutes les tablées. La nostalgie me serre le cœur aujourd’hui car je ne peux te rendre et vous rendre tout ce que vous avez donné sans compter.

Tes nièces ont pour tâche d’assurer tes obsèques et elles ont ta consigne de ne vouloir ni fleurs ni discours ce vendredi 26 janvier 2024 au crématorium, après une semaine d’attente dans le froid... Je n’ai pas pu te dire Adieu et ça me chagrine profondément. Mais mon cœur est plein de nos derniers échanges.

Nous respectons tes volontés , c’est pourquoi je passe par l’écrit et je glisserai cette lettre dans ton cercueil ; non sans l’avoir partagée pour montrer ce qu’est la valeur de quelqu’un comme toi qu’on dit « invisible » mais qui est pour nous ineffaçable.

Je t’aime Jeannette toute lovée désormais contre le corps immatériel de Jo. Vous avez été nos héros du quotidien. Votre vie commune a été un modèle et une leçon d’amour inoubliable. 

Bon voyage à tous deux. 

Vous pouvez goûter désormais la joie des retrouvailles éternelles.

Nous, on vous regarde pour toujours.

J'attends votre carte postale fleurie au creux de ma mémoire en larmes.

 

Marie-Thé.

 

 


ETATS DES YEUX | Janvier 2024 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 01

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EX VOTO GREG

Semaine 1  Année XXIIII -  Jeudi 4 Janvier

 

L'entame des jours : chaque jour qui déborde de choses vécues qui s'accumulent et se bousculent.  Une fois les circonstances dépassées, c'est la hauteur des vagues d'émotion qui reste à contempler. Tout se passe hors les mots jusqu'à ce que je trouve la voix qui convient, la phrase adéquate pour ne pas en faire trop ni pas assez. Je rature facilement mais c'est l'oubli qui efface le mieux ce qui n'est pas contenu. L'écriture est une affaire de contenant et de contenu. L'écriture enfle et perd son souffle en un rien de temps. L'écriture est un tensiomètre avec sa maxima et sa minima. Ces dix derniers jours ont été sans pause pour l'écriture telle que j'aime la pratiquer. L'écriture est un élan qui a ses causes, précises et incisives. Lire les autres me le confirme en permanence.

Qu'est-ce qu'un cadeau filial si bien ciblé,  comme celui-ci : un ex-voto si léger, ou celui-là : un double livre si lourd Varda par Varda  (1954-2019) aux éditions de la Martinière, dans ma vie de mère ? Je ne vais pas répondre ici, ce serait trop long. Je garde l'émotion comme un parfum sacré.

 

 

VARDA PAR AGNES

Réunir ce bout de famille qu'on a créé par amour est un privilège. Je photographie souvent les présences, les gestes à la sauvette, il me faut garder quelque chose de ces instants de vie même si ceux ou celles qui jettent systématiquement les souvenirs ne comprennent pas ce désir profond. Il ne reste plus beaucoup d'occasions ni d'envie de rassembler les gens qu'on aime. La pandémie nous a sevrés de la promiscuité et ce qui la remplace est peau de chagrin sur des écrans tactiles. On le sait depuis longtemps : l'émotion virtuelle est désincarnée. Retrouver pour les fêtes de fin d'année la chaleur humaine naturelle m'a fait un bien fou. Peu importe la légéreté des propos et la brièveté des contacts. L'essentiel de nos sentiments s'est ancré dans ces retrouvailles complètes. 

 

La tristesse est pourtant là, en filigrane dans mes pensées perpétuelles pour  ma  chère J.qui se meurt dans un décor hospitalier qu'elle a fini par réclamer sans pour autant avoir accepté de protocole oncologique.  Elle ne peut plus manger... Combien de temps va durer son calvaire moral et physique ?  Ne pas pouvoir l'entendre et lui parler est une épreuve de plus. Je n'ose plus lui écrire en sachant que ça ne la sauve pas. J'irai la voir, dès que possible. Sans doute pour lui dire aurevoir et surtout merci... Sa vie et notre enfance villageoise sont intimement liées...

 

20240103_133040[1]Roanne devant le crématorium 3 Janvier 2024

 

La mort soudaine du poète et philosophe humaniste Roger DEXTRE  ce samedi 30 Décembre, a clôturé l'année 2023 de manière cinglante. Qu'est-ce que la mort d'un poète sinon la disparition d'une voix et d'une écriture en "puissance" qui nous manquent déjà ? Le choix d'un rite crématoire nous a rendu les hommages plus  frustrants en raison du timing serré des offiçiants attitrés et de l'exiguïté des locaux. A Roanne hier nous étions pourtant nombreuses et nombreux à entourer cet homme qui a su aimer et être aimé.  J'attends avec impatience l'organisation de l'hommage poétique qui lui a été promis hier, à plus vaste audience par l'Association DANS TOUS LES SENS, et son éditeur principal LA RUMEUR LIBRE.

En attendant je m'immerge dans ses poèmes avec un sentiment de retard devenu bienvenu. Il n'y a de vraie rencontre finalement que dans la lecture silencieuse exonérée des remerciements toujours impudiques. Voici l'un de ses poèmes tiré du recueil  Le jour qui revient, publié en 2021 à la Rumeur libre. A noter qu'un nouveau livre reste à paraître en ce début d'année. Nous l'accueillerons avec tendresse.

 

LAISSER

 

Laisser la nuit

secouer l'ample espace

et ce qui de nos rêves s’échappe.

 

Un rideau

à l’instant soulevé,

retombé sur rien aussitôt.

 

Laisser La nuit

sur le rivage

étale de nos jours

comme dans nos corps

battre les rythmes du cœur

et ceux de la respiration.

 

Ils ne s’adressent en nous

bonjour ni bonsoir,

surgissant , retenus,

dessinant des courants

qui nous amènent et nous emportent.

 

Nous ne savons pas

capables de comprendre

leur naissance, l’étrangeté,

la liberté qu’ils recèlent

aux plis lumineux de leurs sursauts

et des rumeurs qui les accompagnent.

 

Grâce au sommeil

je laisse leurs voix

tenter la pensée,

la devenir.

 

Alors serait le grand calme,

l’apaisement

que vienne insolent à nos pieds

un océan pour nous seuls

à jamais amical.

 

Qu’un vent de signes fugitifs

nous aborde

dans le contrepoint

essoufflé et maladroit

que nous sommes en vérité,

nos joues rouges

comme celles des enfants

et des anges.

 

 

L’inattention nous allège

permet des chantonnements,

nous ne savons

comme ils en viennent

à notre tête, à nos pieds, à notre voix.

 

Si l’immensité ne la casse,

l’œuvre de la nuit, intacte,

dure sans notre part

tout le temps qu’il lui faut.

 

Mon lit

a formé cette croyance

pour conjurer

les cauchemars.

 

 

 

Roger DEXTRE, Le jour qui revient, p.87-89

La rumeur libre 2021

 

 

 

                        

 

 

 

 

 

 

 


 


ETATS DES YEUX | Décembre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 52

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L'ange jaune

Drôle d'ange, drôle de rencontre en montant la côte en direction de Fourvière l'autre jour. Un ange jaune aux lèvres roses charnues, cheveux crêpus, pieds et main droite arrachés, un visage perplexe presque étonné, a-t-il ramassé une charge explosive, va-t-il en réchapper ? Je voudrais que Oui !  LOV et KILL en dessous , pourtant, c'est de mauvaise augure... J'aimerais connaître l'origine de ce collage. C'est pour cela que je l'ai photographié en passant, profitant de l'embouteillage.  Tout me fait signe en ce moment. L'illisibilité du comportement humain collectif dans les territoires en guerre me donne envie de réduire ma capacité d'engrangement des baratins justificateurs.  Je vomis la guerre et ses sbires.La mort a pris une telle ampleur  dans les contrées attaquées et assiégées que j'ai en permanence dans la tête, de jour comme de nuit,  l'image de son grouillement et de sa sournoiserie. Je pense aux enfants et aux femmes qui essaient de survivre au milieu des armes, je me demande quel avenir apaisé on peut avoir après toutes ces tueries, toutes ces destructions, tous ces drames programmés. La mort est fascinante, la donner empêche-t-il de la subir plus tôt que prévu dans une vie pourtant toujours trop courte ? Y croient-ils vraiment à la gloire posthume et aux récompenses de leurs Dieux si peu crédibles ? Cet ange jaune m'a glissé à l'oreille qu'il avait la trouille ( une jaunisse justifiée)  et qu'il allait si possible rejoindre les oiseaux de bonheur ,  peu importe leurs couleurs, là où ils chantent encore, il va falloir chercher où... Je repasserai le voir, pour savoir , j'espère qu'il me laissera un message, car en cette semaine 52, malgré la chaleur familiale et les trucs qui scintillent, je crois que je n'ai plus de mots pour exprimer ce que je vois et ressens. Et vous ?

 

 


ETATS DES YEUX | Décembre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 51

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Tout doux Noël en tablée intimiste à six. On a même confectionné de vraies bugnes et éparpillé les papillotes un peu partout pour faire scintiller les lumières en led. On a eu le goût des conversations légères et l'enfant a réclamé sa platée de pâtes à la tomate après avoir servi  les adultes (à l'assiette !). Un Menu de Fête Traiteur trop ésotérique pour lui. Rigolades et distribution de cadeaux, beaucoup de livres cette année, et cette merveilleuse toile de bibliothèque réalisée par l'amie lointaine Odile Fougère qui ne cesse pas de m'étonner par la qualité de son imaginaire adossé à la vie matérielle et à la nature qu'elle y fait entrer en touches colorées et subtiles. Il y a toujours un message invisible dans son travail que j'apprécie de plus en plus. 

L'enfant et ses figurines Minecraft s'invente depuis hier des paysages à sa manière.  Il y est question d'armées prêtes à la paix, sur le mode défensif bien ordonné... Difficile d'échapper à l'air du temps. Quelques livres pour son futur métier annoncé d'architecte lui feront connaître les prodigieuses et généreuses réalisations de Tony Garnier proches de chez nous. Commencer avec des légos n'est pas inutile pour construire son propre environnement... Il voulait également devenir cuisinier, mais y a renoncé car il ne veut pas travailler le week-end.  C'est son neuvième Noël façon Petit Prince, sans excès, il sait ce que valent les choses et sait se contenter de ce qui est prévu. Avec sa casquette et sa cape noire à col rouge satinée, il grandit à vue d'oeil devant nous. Là encore, sentiment de privilège.

Il faudra attendre la St Sylvestre pour réunir nos trois grands enfants et faire la photo traditionnelle du trio qui m'est si chère laquelle jalonne le temps qui fait changer les êtres et nous les rend encore plus précieux. Goût des retrouvailles, goût pour les souvenirs revisités et plaisir de se sentir encore solidaires et vivants. Cela se passe de mots précis la plupart du temps, ce sont les yeux qui aiment et qui rient comme des guirlandes festives. Cette génération vit des amours intermittentes et renonce à procréer, cela les maintient dans une disponibilité attentiste que nous n'avons pas connue. Nous nous accoutumons à la nouveauté autant qu'à l'imprévisibilité des projets. Ils accordent de la valeur à l'authenticité et à la liberté. Ils vivent au jour le jour  modestement et nous nous adaptons à leurs choix qui restent toutefois relatifs. Ils ne sont pas arrivistes ni indifférents à leur impact écologique, ils roulent à vélo ou marchent à pied , prennent le train ou des transports solidaires. Ils lisent beaucoup et s'informent. Leurs attirances musicales sont larges et parlent d'autres langues que maternelle et paternelle, leur vocabulaire est criblé d'anglais et d'acronymes.

Nous nous éloignons doucement de leur univers, sans tapage ni précipitation. Quelque chose change en profondeur dans nos relations mais cela reste discret et tendre. Famille unie dans un pays en paix, quel privilège !

Nous avons même partagé nos friandises avec notre cher voisin de palier veuf et seul , Monsieur G.  devant sa messe de minuit avancée à 22h  (ce n'est plus comme avant , a-t-il dit en riant...), il était charmant en robe de chambre gris-bleu et moelleuse .  Ses enfants sont venus le chercher pour un repas ce midi. Nous lui relevons son courrier en ce moment, en relais d'une autre voisine absente, veuve aussi, elle s'est absentée pour les fêtes. Lui est de plus en plus voûté et las physiquement, il approche les 90 ans, le dit, le sent, mais continue à sourire et à remercier. Il est un spécialiste des cadrans solaires et nous en a offert un pour le sud.

Il y avait assez de bugnes pour en faire profiter la famille proche. C'est une tradition qui me ramène à l'enfance. Notre mère en faisait des quantités industrielles avec plusieurs kilos de farine, des tonnes de beurre , une  quantité phénoménale d'oeufs, des citernes d'huile, un flacon d'eau de fleur d'oranger, de la levure  et du sucre glace sans privation ... L'opération prenait trois jours avec des effluves de graillon spectaculaires. Au fil du temps l'habitude s'est effilochée. Trop de sucreries dans la vie des enfants les ont détournés de ce qui constituait une nourriture d'exception et de convivialité. La bûche au beurre est devenue une hérésie diététique, on la préfère glacée de nos jours pour faire glisser le reste. On ne boit pratiquement plus d'alcool, les jus de fruits,les fruits de saison  et l'eau pétillante ont volé la vedette. Nos estomacs ont muté , le citrate de bétaïne à portée de main, seul le chocolat un peu raffiné garde ses marques de noblesse, les blagues à l'intérieur des papiers brillants rivalisent d'inintérêt, les questions pour un champion ont remplacé les citations, les réponses sont loufoques et commerciales, les pétards sont mis à part... Et même les chants de Noël ont pris un coup de vieux malgré les versions jazzy et godspel. Malgré cette évolution, la magie de Noël n'a pas disparu pour les personnes qui ont appris à communiquer par smiley, sms et mailing. Noël fête l'enfance et la résistance à son annulation sous des prétextes d'hostilité généralisée.  Ce qu'a de divin un enfant qui naît c'est que sa présence dans chaque famille, dans chaque communauté, dans chaque culture soit sacralisée et protégée du malheur créé par l'incapacité d'aimer et de partager.

 

 


ETATS DES YEUX | Décembre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 50

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Marie Ange SEBASTI par Angèle PAOLI 001

Marie-Ange SEBASTI  1945 -2022

 

 

                NAVIRE

 

Les rêves rêvaient les vagues

et les vagues noyaient les rêves

 

La Haute mer ne sait pas rire

 

Il nous filait chaque noeud

pour rattraper le vent

mais chaque noeud 

laissait filer le vent

 

La haute mer s'est adjugé

tous nos pays familiers

 

Il ne s'agit pas d'en pleurer

 

 

Marie-Ange SEBASTI , Comme un chant vers le seuil,

Maison  Rhodanienne de Poésie, 1970, page 24

 

 


Semaine 50 Année XXIII -  Mercredi  13 Décembre 

Trois semaines de silence sur cette Entame des jours. Ce n'est pas pour rien. Trop de choses à dire ou à taire et la conviction d'avoir mieux à faire que de palabrer dans la tourmente de l'actualité. Gaza... les otages israéliens sacrifié.e.s ... l'Ukraine, l'Afghanistan... le Yémen... en obsessions de colère : cette omniprésence ruineuse hégémonique des armes, des détresses vendues en images et en bavardages qui n'arrêtent rien et font sans doute empirer les situations. Sauve qui peut de loin ça rend honteux. Et l'hiver qui s'est installé ici en ville avec ces réfugiés et ces miséreux à la rue, sous des tentes insalubres que la bonne société assimile à cette migrance dont on ne veut plus et dont on débat sans complexes à l'assemblée devant des députés qui annoncent la couleur et la laideur des ambitions. L'humanité va mal et la France est un radeau de la Méduse où les intérêts privés priment sur la solidarité, l'ouverture d'esprit et la liberté de circulation sur la planète. Les peuples migrants soumis et sous payés sont intégrables, ceux qui viennent  seulement chercher asile, protection sociale, soins modernes et pitance ne sont pas assimilables malgré la multiplicité des contre-exemples. Instrumentalisés, ostracisés, enfermés, relégués aux marges de nos privilèges les peuples déplacés sont le symptôme de la haine et l'injustice érigées en systèmes à circuit fermé. La binarité simplette in / off fonctionne à plein régime. Les systèmes socio-religieux reprennent du pouvoir sous la menace pour aveugler les consciences et les ramener à leur cause d'essence économique ( capter le pognon) . Les dieux sont convoqués pour expliquer ou renforcer la pagaille et pas mal de monde tombe dans le panneau. Le XXIeme siècle et son retour de factions spirituelles abusives se nourrit aussi d'angoisses environnementales. Les gens discrets et mesurés sont inaudibles, les intelligences sont morcelées et la loi du plus violent actionne le gouvernail des destins pêle-mêle. Rester debout et intègre dans cette coulée de boue brûlante relève du défi et certains le relèvent courageusement. A ma toute petite échelle, j'ai l'impression de résister avec peu de moyens. J'écarquille les yeux pour voir venir le danger et m'attends à tout comme à rien. Je remonte le temps avec l'écriture et l'écoute des expériences, la poésie me sert de petits bagages de main pour donner un peu de recul à mes constatations.  Je les abandonne lorsqu'ils exagèrent, eux aussi.  Il y en a partout sur les routes de l'exil, et porter ceux des autres n'est pas complètement idiot. 

Les mots des poèmes sont à tout le monde.

 

Je prépare depuis un an une maquette de livre collectif d'hommages à notre amie Marie-Ange SEBASTI  et j'y ai travaillé avec patience et acharnement. J'espère le présenter au plus tard en Janvier 2024.

 

De son côté son éditeur  Jacques ANDRE qui a quitté  Lyon est en train de sortir un volume, réalisé "avec un groupe de lecteurs fidèles" (sic), réunissant les livres déjà publiés et des inédits posthumes généreusement confiés par son mari Yves CALVET malgré le deuil douloureux.

Cela s'est fait indépendamment de la démarche de notre association qui aurait pu être mieux associée à cette initiative, mais cette oeuvre a attiré des convoitises qui ont clivé les démarches lesquelles auraient pu être synchronisées. Ainsi va la poésie dans ses incarnations déroutantes.

L'important à présent est que l'oeuvre circule et qu'elle soit visitée plus largement au delà du cercle Lyonnais.

Affaire à suivre...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


ETATS DES YEUX | Novembre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 47

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Automne étoilé sous l'arbre consentant
Semaine 47 Année XXIII -  Vendredi 24 Novembre

 

L'écriture n'est pas facile en ce moment. Elle est engluée dans tout ce qui traverse l'esprit, autant dans des registres privés que publics. Raconter n'est pas nécessaire, commenter non plus. Je cherche une brèche dans le magma pour ressortir à l'air libre, respirer un peu mieux dans mon quotidien qui n'a pourtant rien de menacé, ni de complètement désespéré. Je pense tous les jours à une femme très malade et aux otages de Gaza, à tout ce qui parle de violence et d'incurie face à la destruction endémique. Il me faut parler à nouveau de la tristesse en lui donnant des partenaires immatériels. Je les cherche et je les trouve dans la littérature et sur certains réseaux toujours trop bavards.  Je suis entourée de livres très nourrissants, je suis en contact avec des personnes délicieuses ou simplement sympathiques. Je ne sors pas beaucoup. Hier pourtant , j'ai croisé un arbre et son feu de feuilles couché tout en rond de couronne à son pied. C'est une image d'automne qui m'a redonné du courage. Le courage de continuer à voir et à entendre "pour ne pas mourir" , comme le décrit si bien l'ami Patrick DUBOST. C'est une lutte de chaque minute plus ou moins indolore qui empêche de laisser cours à la déréliction ambiante. Rester debout et dans l'accueil, sans excès ni pingrerie face à ce qui s'offre. Ne sachant pas comment m'y prendre, je fais comme si je le savais...  En lisant des poèmes d'Hélène DORION dans Mes forêts ou des textes poétiques de Milène TOURNIER accompagnant de magnifiques photos en noir et blanc dans le livre intitulé Puisque chacun pourra partir chacun pourra rester. Le ton et la profondeur me paraissent justes et de circonstance. Tous les univers sont accessibles avec les mots. Et c'est cela le miracle !

 

Lecture audio intimiste d'un poème d'Hélène DORION

dans Mes Forêts

Téléchargement Hélène_Dorion_Brume[1]