J’ai avalé mon histoire comme j’ai mangé la tienne, Poète, Sculpteur ou Peintre d’éternité au présent… Quel repas, dis-tu, avons-nous partagé ? À quand, et avec qui , le prochain ? On verra... On lira ... | Marie-Thérèse PEYRIN - Janvier 2015

ETATS DES YEUX | Novembre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 47

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Automne étoilé sous l'arbre consentant
Semaine 47 Année XXIII -  Vendredi 24 Novembre

 

L'écriture n'est pas facile en ce moment. Elle est engluée dans tout ce qui traverse l'esprit, autant dans des registres privés que publics. Raconter n'est pas nécessaire, commenter non plus. Je cherche une brèche dans le magma pour ressortir à l'air libre, respirer un peu mieux dans mon quotidien qui n'a pourtant rien de menacé, ni de complètement désespéré. Je pense tous les jours à une femme très malade et aux otages de Gaza, à tout ce qui parle de violence et d'incurie face à la destruction endémique. Il me faut parler à nouveau de la tristesse en lui donnant des partenaires immatériels. Je les cherche et je les trouve dans la littérature et sur certains réseaux toujours trop bavards.  Je suis entourée de livres très nourrissants, je suis en contact avec des personnes délicieuses ou simplement sympathiques. Je ne sors pas beaucoup. Hier pourtant , j'ai croisé un arbre et son feu de feuilles couché tout en rond de couronne à son pied. C'est une image d'automne qui m'a redonné du courage. Le courage de continuer à voir et à entendre "pour ne pas mourir" , comme le décrit si bien l'ami Patrick DUBOST. C'est une lutte de chaque minute plus ou moins indolore qui empêche de laisser cours à la déréliction ambiante. Rester debout et dans l'accueil, sans excès ni pingrerie face à ce qui s'offre. Ne sachant pas comment m'y prendre, je fais comme si je le savais...  En lisant des poèmes d'Hélène DORION dans Mes forêts ou des textes poétiques de Milène TOURNIER accompagnant de magnifiques photos en noir et blanc dans le livre intitulé Puisque chacun pourra partir chacun pourra rester. Le ton et la profondeur me paraissent justes et de circonstance. Tous les univers sont accessibles avec les mots. Et c'est cela le miracle !

 

Lecture audio intimiste d'un poème d'Hélène DORION

dans Mes Forêts

Téléchargement Hélène_Dorion_Brume[1]

 

 

 

 

 

 

 

 


ETATS DES YEUX | Novembre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 46

 

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Alors que la guerre gronde pas très loin de leurs maisons, les enfants et les poètes ont bien le droit d’imaginer que les chars seront un jour aussi malléables que de la pâte à modeler… de la pâte à remodeler un monde où régnerait enfin la paix ! Un pied de nez poétique à la guerre et les traductions dans 24 langues, signées par 24 poètes des quatre coins du monde

 

Semaine 46- Année XXIII -  Mercredi 15 Novembre

COMMENT FAIRE LA PAIX ? 

L'enfant du mercredi découvre ce livre que j'avais repéré dans une discussion, et qui était chaleureusement recommandé.  J'ai collectionné déjà pas mal d'albums jeunesse aux éditions RUE DU MONDE pour nos ateliers d'écriture  ( d'ailleurs je mélange toujours les livres  destinés aux enfants avec les ouvrages pour ados ou adultes  en poésie). Celui-ci a tenu sa promesse. Un simple poème écrit par un poéte très connu dans les classes primaires Francis COMBES et malicieusement illustré par Bruno HEITZ.  Le sujet est brûlant : COMMENT FAIRE  LA PAIX ?   L'enfant a assimilé la méthode sans hésitation.  Ramollir un tank par des caresses et lui clouer le bec avec un bon noeud sur  son long nez.  On en rêve n'est-ce pas ?  Il a recopié le poème sur le petit cahier rouge  (c'est pour s'exercer à écrire plus petit et harmonieusement en prenant son temps). Il l'a lu à haute voix pour le savourer et je l'ai enregistré. Un bon moment paisible et enjoué !

ECOLIER EN NOVEMBRE 2
Semaine 46- Année XXIII -  Jeudi 16 Novembre

Un écolier en automne. Il devance son grand-père qui l'accompagne à bicyclette chaque jeudi matin jusqu'à son école (600 mètres). Petit à petit l'autonomie s'apprend. S'entraîner à marcher seul dans la ville pour se préparer au collège dans deux ans. On s'y prend petit à petit. Là il est encore sur le chemin dans la résidence, je le surveille du balcon. Il n'est pas encore un écolier avec la clé au cou. C'est un cap qui fait un peu peur aux adultes. Lui prend plaisir à montrer qu'il a des réserves d'assurance, il est fier de porter son lourd cartable qu'il surcharge délibérément. Hier il y a engrangé ses cartes Minecraft, qu'il appelle puzzles, il venait de les trier et il a calculé le nombre de pages qu'il faut pour chaque série dans son album plastifié... Sa patience est immense, inversement proportionnelle à celle qu'il montre pour expédier les devoirs qui lui semblent répétitifs. Sinbad le Marin, ras la casquette... On insiste pourtant pour qu'il assimile bien les bases de la lecture , de l'orthographe et du calcul. Apprendre l'anglais et l'allemand lui plaît mais il préfère le faire à l'école. Il vient de découvrir le dictionnaire Larousse que sa mère a rapporté d'une boîte à livres... Il le lit tous les soirs et il va voir les noms propres... Cela lui donne des idées pour se mêler aux conversations des grands, il a découvert Trotski... Lénine et Marx... C'est là que ça commence à devenir intéressant... Il veut savoir... alors, let's go , mais mollo... Il y a du boulot encore pour..., disais-je... les bases...

 

Tout cela me distrait des soucis que nous procure l'état de santé d'une personne proche. Elle, dont je voudrais faire un jour le portrait. Une femme généreuse et simple.

 

Ce soir  débondage de l'angoisse dans une soirée organisée au Rize de Villeurbanne.  Notre grande fille chante et danse dans la Fanfare des Pavés. Un moment de liesse entre femmes superbement colorées invitées pour le vernissage d'une magnifique exposition féministe . J'en parlerai plus tard, c'est à voir absolument ! 

 

 


ETATS DES YEUX | Novembre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 45

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JOURNAL D'AUTOMNE  

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Semaine 45- Année XXIII -  Lundi 6 Novembre

 

Elle veut entrer sous ma manche de pull, elle ne sait qu'avancer et voler. Pour l'instant , elle choisit  d'explorer la surface que je lui propose, un post-it bleu pour la ramasser sur la baie vitrée, puis un verre assez grand pourqu'elle puisse continuer sa gymnastique d'hamster. Je sais qu'elle va s'affoler et je préfère la laisser se reposer un peu. Elle a eu du mal à ranger ses ailes. J'ai cru d'abord qu'elle était blessée.  Ce doit être une vieille coccinelle me dit mon frangin avec qui je parle au téléphone.  Je n'arrive pas à compter les points. J'ai plaisir à sa présence inopinée. C'est un signe sympathique.  Mon frangin me demandait à ce moment là si j'avais rencontré des esprits dans le grenier de la maison parentale. J'ai dû le décevoir en disant que j'aimais bien mes fantômes plutôt bienveillants et souriants. Je ne suis pas  superstitieuse mais plutôt  imaginative.  J'aime bien l'idée de réincarnation mais sans tout le cirque des karmas. Juste la possibilité d'un échange standard  instantané entre un être disparu et une vieille coccinelle en vadrouille. Celle -ci n'a pas de boussole, elle ne sait pas où elle est et je pense à sa place. Au moment où je voulais lui rendre sa liberté je ne l'avais pas encore photographiée. Je m'y suis reprise à cinq fois.  Le cliché ci-dessus est le plus net de tous. Elle a posé involontairement pour moi.  J'ai envoyé le selfie de la demoiselle au frérot. Il me l'a échangé contre celui d' un raton-laveur sur sa grosse branche. Je pense soudainement que parler des animaux nous change les idées même si leurs comportements démontrent les effets du réchauffement climatique et de la concurrence pour l'occupation dans les biotopes . Un loup qui attaque des moutons très près des maisons, un ours brun qui veut entrer dans la cabane d'explorateurs qui ont oublié que la térébenthine qu'ils utilisent a la même odeur attirante que la résine d'arbres contre lesquels ils se frottent...,des ratons-laveurs et des blaireaux qui se rapprochent de plus en plus des habitations .  C'est par la photographie qu'on observe tous ces changements et c'est un bon sujet de discussion. On parle matériel et expositions.On parle tracasseries santé et perspectives chirurgicales. Nous savoir dans la même classe d'âge et dans la nasse des séniors... nous fait sourire  (encore...).

 

Semaine 45- Année XXIII -  Mercredi 8 Novembre

Grand plaisir à revoir ses films  "sans toit ni loi"  et  "l'une chante l'autre pas" dans le cycle Agnès Varda diffusé sur ARTE. Ramenée à mes vingt ans  pour le premier et à tous les questionnements de ma génération de femmes en lutte pour leur émancipation dans le second. Le parcours d'Agnès Varda est passionnant, il allie l'intelligence et le courage des idées, il fait fi des conventions et traverse les turbulences avec humour et gravité. Elle me fait penser à  Marguerite Duras dans son côté pionnière et iconoclaste. "Madame Agnès Patate" est une militante rigolote qui sait parler aux gens simples et les filme admirablement.  Je n'ai pas fini d'explorer les oeuvres de ces deux femmes -phares.

 

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Aujourd'hui c'est le jour de l'enfant du mercredi. Il est de très bonne humeur et nos conversations sont enjouées. Il a appris le massage cardiaque et la mise en position latérale de sécurité chez les pompiers dans leur Caserne Musée (?) du 9°. Il nous en fait la démonstration... C'est sérieux et drôle. J'en profite pour inclure l'expérience dans la dictée improvisée sensée lui faire réviser la conjugaison des verbes "être" et "avoir" au présent... et pour lui faire imaginer la suite d'une phrase commençant par  "Je suis un garçon plutôt... "en énumérant tous les pronoms , l'exercice lui plaît . Le graphisme est impec. sur le cahier rouge du mercredi.  Il s'applique... "avoir et être" ne lui posent pas de problème. Il retourne à ses lectures à ses impros de jeune pianiste débutant très jazzy ,et à ses collections de cartes Minecraft et Pokémon qu'il trouve sous un couple de poulailler chaque semaine dans un petit panier à l'entrée.  C'était un rite du Tonton Jean ( mon oncle paternel décédé en 2019) que nous trouvions sympa , il y mettait des oeufs kinder pour les enfants de son village en visite, j'ai repris l'idée et l'ai fait évoluer. L'enfant  a fait son heure de switch réglementaire en début d'après-midi, le soir il a réclamé de la soupe et des tagliatelles... On a  parlé  un bon moment du harcèlement scolaire, de l'émission que j'ai vue hier, il m'explique qu'il se défend et qu'il sait de quoi il s'agit. Il est content à l'idée qu'il y ait une journée consacrée à ce thème à l'école. Le Ministre de l'Education Nationale sera content, il a déjà un convaincu initié sur la question. Sûr de lui et ayant réfléchi depuis longtemps à ces problèmes de cour de récréation. Pour lui, ce qui se passe est gérable mais il sait que ce sera plus difficile au collège... Son raisonnement est serein. Il a grandi. C'est un bonheur de le voir prendre son envol dans des conditions de paix et protégé par les adultes. Le regardant, je pense sans le dire aux autres enfants moins gâtés et chanceux.

 

 

 

 

 

 


ETATS DES YEUX | Novembre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 44

 

CIEL NOVEMBRE 1

le ciel sans dessus dessous

JOURNAL D'AUTOMNE  

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Semaine 44- Année XXIII -  Vendredi  3 Novembre

 

Cernée par les cauchemars qui répliquent le cauchemar de la réalité guerrière, je reste immergée dans des lectures qui me ramènent invariablement, et elles aussi,  à l'idée de la mort. Je m'étonne en permanence que la vie puisse facilement continuer autour de moi, plutôt assourdie, car je ne me promène plus en ville, peut-être de peur d'y trouver  dans les yeux des gens, les stigmates de ma propre inquiétude. C'est une ambiance que je connais déjà, depuis les premiers attentats, et à chaque fois que se déclenche un conflit entre pays ou partisanneries de tout acabit. La haine me fait peur qu'elle soit larvée ou manifeste. Cela n'a rien d'exceptionnel. Ecrire est insuffisant pour en juguler le maléfice.

Lire le dernier livre de Pascal QUIGNARD, Les heures heureuses, ne m'a pas sortie de cette coulée de pessimisme, il dissèque une fois de plus cette hantise de la mort qui fait commettre des folies depuis les débuts de la vie terrestre, dont il dit qu'elle ne représente que 30% de la planète, les pourcentages restants représentant la masse océanique avec ses abysses insondables et fascinants. Il dit aussi que le temps devient l'espace dès qu'on se place face à la mer des origines et devant notre passé de poissons.

Joël CLERGET ne fait que renforcer l'idée en faisant allusion à la vie placentaire, dans son livre Devenir soi avec les autres, mais il laisse un espoir en misant sur la capacité à contenir l'insécurité du nouveau né par le toucher et la parole humanisante, qui à son tour la transmettra. C'est à se demander si ce n'est pas la première raison à l'état désastreux du monde: une faillite  gigantesque à prendre soin de l'autre et de soi par solidarité vitale.

La poésie ne m'apporte pas de vrai réconfort ces jours-ci, elle est trop éloignée de ce que je ressens moralement et physiquement à l'écoute des tragédies qui me rappellent celles dont j'entends parler depuis l'enfance. "Si tu veux la paix , prépare la guerre" répétait bêtement le père pour faire cesser le flot d'objections infantiles... Ou, lorsqu'on refusait de montrer une blessure honteuse ramenée des jeux d'extérieur, " Ne t'inquiète pas, on a déjà vu les horreurs de la guerre"... De quoi parlait-il exactement, lui qui ne l'avait pas faite, et seulement son service militaire dans la ville où je suis née, où il avait contracté de l'asthme, qu'il m'a transmis... Probablement auxs moment où il devait monter la garde dans l'obscurité, près d'un bâtiment militaire planté dans la garrigue... On ne peut pas tellement se défendre avec un fusil déchargé, et deux balles dans une boîte quelque part dans la nuit... Il était question d'un mot de passe qu'il lui fallait connaître par coeur sans l'écrire pour le rejoindre et prendre son tour de veille... Il en parlait en riant, ne se doutant pas que ses propos ne démontraient que sa trouille rétrospective et sa virilité mal incarnée. Notre mère était plus cash sur les récits de guerre, elle l'avait vécue différemment car moins protégée par sa famille. Elle avait en horreur les armes à feu et nous a couvé.e.s sans nous épargner ses angoisses et ses superstitions.  Tous ces récits me reviennent en boucle tous ces jours...

Le livre de Valérie ROUZEAU magnifiquement accompagné des oeuvres de Florent CHOPIN raconte en très résumé, la vie de Nina SIMONE, pianiste et chanteuse d'origine américaine et nous invite à réécouter ses beaux titres dans la transmission du "blues" ...

Difficile de ne pas se sentir concernée par ces mélodies qui luttent contre le racisme, la misère et la ségrégation des peuples descendants d'esclaves... et ces textes qui cherchent eux aussi désespérément l'amour... grâce à la musique...

Papa, can you hear me | Nina Simone

 

Et l'Aria peu à peu varia

De plus en plus noire se fit la voix

 

A la little Girl Blue du matin

Devenue  A Single Woman au soir

Ni tout à fait la même

Ni tout à fait une autre

 

 

Semaine 44- Année XXIII -  Samedi  4 Novembre

 

ST EX NOV 23prendre de la hauteur

 

Les petites combines publicitaires pour éloigner les idées noires me semblent vouées à disparaître comme les bulles dans l'eau gazeuse à l'air libre. Plus j'écoute parler les nouveaux psys ou philosophes sur les réseaux sociaux  et plus je prends conscience de la supercherie de leurs méthodes d'abord gratuites ,puis vite opportunistes et racoleuses. L'inclusion de mots anglais et de tics verbaux dans leur vocabulaire me paraissent tout droit  importés d'Outre Atlantique où la philosophie du prêt -à -panser et du yakafaucon relèvent d'un eugénisme sanitaire qui méconnaît ouvertement les subtilités des mécanismes inconscients de la personne humaine. Il n'est question que de remettre les  travailleurs et les travailleuses déprimées au taf , les étudiant.e.s à leurs études, les enfants et les personnes âgées dans des cases d'attente... en bidouillant leur sérotonine et en les inondant de suggestions de comportements  standardisés... Je comprends mieux la colère et le pamphlet écrit dans la Revue-dard n.7  l'ouroboros à la robe de glace par mon Ami psychiatre Emmanuel VENET. Il m'a autorisé à la signaler, elle est de nature polémique et j'en partage en grand partie le propos. Il s'agit d'une lettre brûlot étayée par une expérience de praticien chevronné et servie par une plume humoristique acérée...  Je salue l'audace mais ne peux m'empêcher de penser que ce type de tribune est réservée à une classe sociale supérieure à la mienne, protégée par son statut de notable. Pour autant, cela encourage à réfléchir à la fois sur les méthodes et sur le fond  des pratiques soignantes à l'ère de la rentabilité numérique... Bientôt l'I.A. s'emparera de notre bien-être mental en déprogrammant nos pensées parasites ou fausses au profit de petites doses audiovisuelles de "kifs" et de listes autodiagnostiques avec échelle de non conformité aux  standards de la sociabilité souhaitable. On a vu venir, cette simplification abusive de la complexité et ce mythe de la transparence des cataclysmes émotionnels voulus réversibles... Aide-toi la machine t'y aidera... Remplis tes questionnaires d'évaluation... Débrouille-toi pour trouver des interlocuteurs humains sur file d'attente... N'aie pas peur... Big Mother is caring you... N'oublie pas d'activer ta CB !

 

 

 

 

 


ETATS DES YEUX | Octobre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 43

 

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le sang noir dans le jardin des oliviers...

 

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Semaine 43 - Année XXIII -  Dimanche 29 Octobre

Puisque je me sens femme, grand-mère, mère et fille des deux côtés de la faille guerrière, je n'essaierai jamais de tenir d'autre position que celle de la pleureuse qui s'insurge et réclame la fin des folies pour faire entendre la voix de celles qui mettent au monde la vie depuis la nuit des temps. Les armes sont les arguments les plus suicidaires pour tout porteur d'un tant soit peu de raison et de respect à l'égard de l'espèce humaine. Le dire , le lanciner, le répéter ne suffit pas en ces temps démoniaques... Prendre la bande de Gaza et Israël pour des fourmilières à détruire en rasant et éventrant tout à coup de bombardements et de traque d'infanterie fait sans doute le jeu des propagandistes de tout bord pressés de savoir quoi récupérer dans le butin de guerre inique... Ce jeu monstrueux n'a rien à voir avec le désir des mères et des femmes qui supportent toute cette horreur en couvrant leurs enfants de leur corps vulnérable. Tout cela n'est pas une fatalité, la haine est construite par des religions qui prétendent le bien commun en éliminant celles qui ne leur ressemblent pas. L'immense majorité des non croyant-e.s subissent cette dictature du discours fallacieux sur fond de misère et de lutte des factions sans moralité ni limites dans le cynisme. Faire chaque jour le décompte anonyme des morts et des disparitions tient de la roulette russe... Un.e mort.e à moi un.e mort à toi... Et des images macabres sur gravats non identifiables à en vomir sur les écrans... Je ne vois que des Piétas et des visages effarés... Je ne vois que l'anomalie de la haine cultivée comme du poison mortel sur une carte géographique sacrifiée... Une de plus ! Ne pas se résigner...

 


ETATS DES YEUX | Octobre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 42

 

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Semaine 41 - Année XXIII -  Samedi 21 Octobre

Les cerveaux débordent d'événements indigestes, et le mien ne fait pas exception. Retrouver un peu de calme et de sérénité face au déluge d'informations médiatiques sur le conflit armé entre Israël et le Hamas est devenu impossible. Contrairement à la période du confinement, j'ai décidé de ne pas vivre collée à l'écran d'ordinateur ou de télé, ou à la radio dans la cuisine. Les informations, parfois contradictoires, toujours partielles mais non partiales sont distillées en boucle dans l'alambic de l'horreur.  A chaque geste ordinaire que j'effectue chez nous ou dans le quartier, je pense aux mêmes gestes  impossibles à faire dans les villes bombardées ou sous protection anti-missiles. Je vois mentalement des visages hagards ou dévastés, des errances et des étreintes désespérées, des gravats, des affolements de groupes de secours, des gestes de supplication et de colère furtifs. La caméra ne fait que survoler la réalité et ne lui parle pas directement, des paroles sont prélevées, elles sont banales et douteuses en raison même de la folie ambiante. On montre quoi ? On montre qui ? La guerre des images devient une mascarade et un mensonge creux. La vérité ne peut être contenue dans des images de presse mal triées  et sur-interprétées. La question des otages est confuse... A chaque nationalité les siens... Le mot "ressortissant" écorche mes oreilles... l'otage comme une marchandise nationalisée et non plus un être humain libre de circuler sur la planète, respectable et parlant. Toutes ces transactions opaques donnent envie de dénoncer l'hypocrisie et la lâcheté des protagonistes. Personne ne "ressortira" indemne de cette folie généralisée. Personne n'oubliera la barbarie et la honte. Je pense à toute cette souffrance et je ne peux la combattre qu'avec l'esprit, sans complaisance envers les bourreaux de tous les clans dans cette loi inique du Talion. "Tu ne tueras point !" Faut-il le tatouer sur chaque front ?  Ma colère en sourdine et celle des victimes incluse au lointain...

 

 

 

 

 

 


ETATS DES YEUX | Octobre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 41


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Semaine 41 - Année XXIII -  Vendredi 13 Octobre

 

Encore un passage à l'acte criminel sur le corps enseignant en France. Trois ans seulement après celui de Samuel PATY... Encore un jeune radicalisé qui s'arroge le droit de tuer à l'aveugle, quelqu'un qu'il ne connaît pas, mais à qui il fait un procès d'intention de mécréance et de nuisance pédagogique infondé. Un assassinat sans sommation. Une boucherie barbare qui a failli  éliminer plusieurs autres hommes voulant s'interposer et qui les a blessés.

Sanctuariser la laïcité à l'école de la République est-il devenu une nécessité et plus encore défi ? 

L'heure est comme on nous le dit au recueillement et au silence. Nous sommes entré.e.s dans une période très inquiétante. L'angoisse  et l'incrédulité se lisent sur la plupart des visages. L'envie de pleurer est évidente. 

Condoléances à la famille et aux proches de  Dominique Bernard, 57 ans, professeur de français au collège d'Arras. 

Dominique BERNARDPhoto diffusée dans le journal Le Monde


ETATS DES YEUX | Octobre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 40

 

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Semaine 40 - Année XXIII - Dimanche 1er Octobre

Tu freines ta vie avec cette corde d'écriture que tes paumes tirent de toute force en arrière, pour éviter la désescalade et le découragement. Te revient la chanson de Greame Allwright, la ballade de la désescalade dont tu as su après sa mort qu'elle avait peut-être des raisons bien particulières et inavouables. Toi, fort heureusement, tu ne bois pas, tu ne fumes pas non plus, tu n'aimes pas davantage ces recherches actives d'amnésie et de folie virtuelle que certains jeunes d'aujourd'hui convoitent dans un monde qui leur fait peur, comme à nous. " La fanfaronnade de l'absurdité" résonne tous les jours dans tes oreilles et souvent tes regards passent d'un drame à un autre sans prendre un répit suffisant. Toute la noirceur de la vie des autres se répand comme une encre sur la tienne, mais à chaque fois, tu veux la considérer comme un maudit nuage passager. Tu te leurres bien sûr, sans te rassurer. Mais tu ne veux pas lâcher ta ligne de chance et de lucidité, pour l'instant... C'est la raison pour laquelle tu rédiges ces notes en continu, mais sans souci de régularité. Il ne s'agit pas d'un journal intime. Tu n'écris que sur la peau disparate du monde proche ou reconstitué hâtivement.Tu attends le seuil où les mots se bousculent et tu les tries au tout dernier moment. Tu ne veux surtout pas avoir l'air d'apprendre quelque chose aux autres. Tu restes dans ta guérite de sentinelle pacifique.

Sur les trois jours derniers : l'anniversaire de l'ami cher Charles JULIET, la discrétion que son désormais grand âge réclame ; les échanges de mails amicaux importants pour toi; la teuf des potes pour l'anniversaire de l'enfant dans le parc ensoleillé, leurs jeux, leurs rires, leurs insouciances et cette invention très drôle  du "sacre de Napoléon" avec des "Nerfs", nouveaux jouets guerriers à balles en mousse, leur pose collective de commando en haut du toboggan et leur cavalcade ascensionnelle sur les branches du grand résineux qui les tolère encore, meute d'oiseaux fous prête à l'envol !

La soirée de rentrée de la Revue Verso, rue Bourgelat, ce vendredi, aura été un moment délicieux qui te donne le goût d'en reparler en Poémie Amie dans le cadre de l'association lyonnaise  la Cause des Causeuses. Les lectures t'ont plu et les retrouvailles plus encore. La preuve que l'éloignement prolongé a des vertus subtiles. Laisser le temps au temps et franchir les épreuves séparément... Ne pas se perdre complètement de vue, parvenir à choisir les possibilités de rapprochement sans exagération. Se montrer fidèle. Le plus possible, mais savoir rester libre de mouvement. C'est la clé d'une certaine sérénité et la garantie d'une moindre perte de temps vif.

Au retour de cette bonne soirée, et en salves tranquilles, lectures inspirantes du dernier recueil de Valérie Canat de Chizy, de la première publication de Virginie Delahaie et de l'un des trois livres de Roland Dauxois. Découverte d'un nouvel auteur sympathique et bardé d'humour Thomas Pourchayre.

Tes lectures deviennent à nouveau foisonnantes et passionnantes. Tu les fait défiler entre ta table de chevet et la grosse table en chêne du salon, certaines te font écrire; les notes griffonnées commencent à proliférer autour des livres et de l'ordinateur. Bientôt il va falloir ranger et/ou éliminer... C'est une fièvre que tu connais bien. Tu l'accueilles avec indulgence mais sans encouragement...Tu sens l'emprise et l'addiction des mots, leur double face Janusienne...  

 

Tu as exhumé , un peu par hasard cette note de janvier 2022 que tu replaces ci-dessous. Te tutoyer est un procédé de mise à distance.

 

Aujourd'hui je suis arrivé à creuser un peu sans me dire que ne faisais au juste que déplacer et

recouvrir ailleurs, sur une épaisseur plus grande.

Mais au fond, on arrive toujours à ce fouillis de racines en dessous qu'on ne démêle pas et

qui pompe sans arrêt pour le secret plus enfoncé qu'on ne voit pas.

Il bat; on l'entend parfois vaguement, la tête collée au sol, très loin, les jours sans vent -

ou quand on dort dans l'herbe.

Pour savoir, il faudrait pouvoir pourrir et revenir. Se mêler, s'infiltrer, et revenir.

Autant dire qu'on rêve , là.

 

Antoine EMAZ,

Poème de la terre, Bartavelle, 1986, p. 28

                                     

C'est cette accumulation des récits de vie sur les réseaux sociaux qui rivalise avec les livres. Mais ce n'est pas délétère à mes yeux, j'apprends à prendre la main des autres  dans un registre immatériel qui s'ancre dans le réel et les prélévements que ça suppose pour montrer ce dont il s'agit. Poussière colorée d'un kaléidoscope géant, souvent en noir et blanc. Je ne recule pas encore devant ces crêtes d'océan engloutissant, je reste à distance , une bande de sable suffisante pour voir ce qui se passe de loin, participer a minima au drame ou à l'instant de joie. L'écriture sert d'alibi pour un crime relatif que j'appelle provisoirement empathie ou fascination pour le vivant. Les paysages ne m'intéressent guère , comme si le fait qu'ils puissent contenir des "figures absentes" les rendaient coupables de non assistance à personnes en danger. J'en reparlerai certainement iCi ou un peu autour. Le temps est venu d'écrire en continu.

 

Aujourd'hui tu écris en musique. C'est la voix d'Alain Bashung qui te semble convenir à ton état d'esprit, et sa chanson L'apiculteur.

 

 

Semaine 40 - Année XXIII - Mardi 3 Octobre

Encore une journée saturée de micro-événements générant une multitude de pensées pressées de trouver une niche mentale pour se faire oublier. Il est souvent question d'échanges sur la maladie, la mort et la vieillesse. Ma lecture plutôt véloce et plaisante du roman d'Agnès Desarthe   Le château des rentiers, ne fait qu'enfoncer les clous de mes convictions sur la nécessité de faire un pas de côté par l'humour et l'humilité devant l'inéluctable. C'est tout de suite Léo Ferré qui s'impose, sur l'écran du souvenir, avec ses yeux mouillés et sa voix tremblotante, en fait- il trop ou supporte-t-il le poids de toutes les tragédies humaines ?  Je crois que, oui ! Mais sa conclusion est inexacte. Avec le temps, on aime trop ... et c'est définitif...  "Avec le temps... avec le temps...tout s'en va..."

 

 

Retour des rendez-vous médicaux. Il me faut reprendre l'histoire du genou là où je l'avais laissée. Je suis calme et attentiste, la matinée à parlementer ...

 

Semaine 40 - Année XXIII - Mercredi 4 Octobre

 

Anniv 45 ans nico

Un jour de semaine , un jour ordinaire et pourtant un jour que je dédie à la naissance de notre fils aîné. Il y a 45 ans à 15 h après un travail long et douloureux... L'impression d'être vraiment seule au monde, malgré l'attentive présence de son père, les visites espacées de la sage-femme et celle finale du médecin qui a pratiqué l'incision mutilatoire et l'expulsion au forceps... Un sale quart-d'heure comme on dit idiotement... suivi d'un abyssal soulagement teinté de bonheur inédit.  Une naissance annoncée sans violence selon la préparation Leboyer... Une sidération devant la violence de l'accouchement.Une merveille d'enfant qui n'a pas choisi cette arrivée si tourmentée... Penser à lui me ramène à ce moment de séparation si phénoménal.  Amour absolu, inconditionnel... Un jour d'anniversaire n'est qu'une date inoffensive sur un calendrier. La réalité physique est un peu plus complexe mais on ne garde que l'exploit de la mise au monde et la tendresse devant un visage qui va compter. Précieux présent d'une parole en devenir. Les deux enfants qui suivront auront la même valeur affective à une époque où l'on ne programmait pas les naissances. Une enfant d'automne trois ans plus tard, un enfant d'été six ans après. Juste le temps de remettre le corps en ordre et de préparer leur venue. Une fratrie heureuse. Des parents bien occupés. Une vie familiale ludique et chaleureuse.

 

 

En miroiren miroir...

 

Semaine 40 - Année XXIII - Samedi 7 Octobre

A nouveau la guerre comme nouvelle du jour et sa surenchère de vies dévastées. La paix au Proche-Orient est à nouveau mise en charpie. Israël sournoisement infiltré et bombardé par le Hamas, Populations de la bande de Gaza subissant aussitôt des représailles. La catastrophe humanitaire se répand comme une vilaine tâche d'huile de vidange sur le sol. Des civils au milieu, l'exode improvisée, la propagande réactivée...Comme pour l'Ukraine, la Syrie ou l'Irak, nous voici plus que jamais impliqués moralement dans le spectacle abominable de la destruction orchestrée par la haine et la jouissance morbide qui l'accompagne. Prendre parti serait inadmissible. Des ami.e.s des deux côtés du conflit et la certitude que la responsabilité des actes criminels incombe aux gouvernements  et à leurs alliances coupables. La loi du Talion n'est qu'un prétexte. C'est l'idéologie, la peur légitime mais aussi la convoitise, qui dictent toute cette horreur. La défense et l'attaque comme alternative prise de folie. Les marchands d'armes se lèchent les babines, ça va durer un certain temps, jusqu'à ce qu'un fou de plus ( ce n'est pas une femme) lâche du nucléaire irréversible... Le fanatisme est à nos portes. "On ne peut pas évacuer un patient intubé" se désole un médecin urgentiste ulcéré, coincé dans la bande de Gaza... On fait quoi ? Le drame est annoncé... Comment l'éviter ? 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


LECTURES SENTINELLES | 2023 | Neige SINNO | TRISTE TIGRE

 

TRISTE TIGRE NEIGE SINNO  PEINTURE

Il y a des livres qu'on attend presque toute une vie... celui-ci en fait partie. C'est pourquoi je l'accueille dans mes Livres Sentinelles . Il me redonne le goût d'aborder les sujets difficiles dont personne ne veut garder longtemps la mémoire. Une sorte de déni collectif  qui emprisonne dans le silence et la honte des millions d'enfants filles & garçons annexé.e.s physiquement et mentalement par des adultes,afin d'assouvir leurs besoins sexuels souvent indissociables de leur propension à la domination. Neige SINNO n'écrit pas pour se sauver de l'inceste. Elle écrit pour que celui-ci entre en Littérature sans paravent, aux yeux de tout le monde, afin que la chape de plomb soit à nouveu soulevée et l'hypocrisie dénoncée. Elle n'est ni la première ni la dernière, à se lancer dans ce défi de salubrité publique. Désormais, les prédateurs sexuels hommes ou femme sur mineurs ne sont plus protégés, ils sont débusqués et c'est d'abord une bonne nouvelle. C'est même une prise de conscience  à condition de comprendre ce qui se passe réellement dans la vie des familles et dans les insitutions qui ont vocation à former la jeunesse, sans pour autant  basculer dans l'inquisition et la suspicion systématiques. Depuis la chanson de Barbara en passant par les premiers livres de Christine Angot ou ceux plus récents et médiatisés, des femmes sortent du silence et dénoncent les abus . Neige SINNO va plus loin, elle dit en quoi les blesssures sont lisibles et parlent d'une réalité que l'on ne peut plus occulter.

 

Quatrième de couverture :

 

J'ai voulu y croire, j'ai voulu rêver que le royaume

de la littérature m'accueillerait comme n'importe

lequel des orphelins qui y trouvent refuge, mais

même à travers l'art, on ne peut pas sortir vainqueur

de l'abjection. La littérature  ne m'a pas sauvée. Je ne

suis pas sauvée.

 

Extrait poétique 

 

Pour moi, l'enfance reste ce pays aux noirs matins de soleil, comme dans le poème d'Alejandra Pizarnik .

Je me souviens de l'enfance

Quand j'étais une vieille femme

Les fleurs mouraient entre mes doigts

Parce que la danse sauvage de la joie

Leur détruisait le coeur

 

Je me souviens des noirs matins de soleil

quand j'étais enfant

cétait hier

Mais il y a des siècles

 

 

 

Neige SINNO, Trise tigre

P.O.L  2023

 

 

 

 


ETATS DES YEUX | Septembre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 39

JOURNAL D'AUTOMNE  

Texte & Une photo par jour

 

 

Semaine 39- Année XXIII - Lundi 25 Septembre 

 

Timbre La Digoinette 001


"Avoir la tête dénuée de doutes" c'est une phrase relevée sur une image de danse où l'on voit des personnes immobiles de type asiatique, yeux clos, concentrées sur leur gestuelle prête à investir la scène collective de danse. Je comprends qu'il s'agit d'une ascèse, d'une discipline consentie qui demande des années de pratique et sans doute de souffrances intermédiaires dont le doute. La plupart des gens sont incapables de parvenir à cette finalité que j'imagine flottante et aléatoire. L'image dit que c'est possible et elle est harmonieuse, apaisante même. Est-ce que la littérature permet d'accomplir cette ascension vers l'absence (même temporaire) de doute ? Est-ce que le doute finalement n'est pas l'abstention ? Un certain silence intérieur qui force l'extérieur au même silence ? Comme un film invisible, une paroi protectrice insonorisante ? Quand j'écris, j'ai l'impression de tisser cette membrane fragile , elle se déchire facilement... Quand je lis, l'ai l'impression qu'elle s'étend à l'infini et que j'y perds les repères qui jalonnent les certitudes. L'autre doute et fait douter, sauf quand il danse comme un derviche... faisant lever l'air en tourbillon ascensionnel. Jusqu'où le suivre ?

Semaine 39- Année XXIII - Mercredi 27 Septembre 

 

 

Les bons livres affluent dans mon giron. Une brassée plus qu'une poignée... Des livres attirants et un peu invasifs que je tente de calmer dans leur piles éparses et silencieuses. Les nommer ne suffit pas, je vais en parler au fur et à mesure avec des priorités. Ceux qui n'ont pas tenu leurs promesses seront mis de côté sans mépris. Lire quelqu'un.e n'est pas une obligation mais c'est un privilège. Je vois la personne avant tout, et l'effort qui a été consenti pour ce "don de temps" dont parlait Bernard Noël ce grand écrivain qui était aussi poète et un peu visionnaire. Il a inventé la notion de "castration mentale" dont nous pâtissons de plus en plus dans un monde dérégulé et décervelant. Son oeuvre est pour moi poétique, politique et philosophique. Son intelligence sensuelle et sociale a peu d'équivalent parmi nos contemporains. Son oeuvre n'en  finit pas de me toucher. J'ai la nostalgie de sa voix, de ses paroles toujours adossées à l'intériorité confrontée au réel, de sa présence tremblée si incisive, mais en douceur. Ses mails nocturnes de réponse à l'inquiétude des ami.e.s proches ou lointain.e.s pendant les dernières années si pénibles, les traces innombrables qu'il a laissées de ses relations sincères et multiples, son regard de vieil enfant incrédule. Son courage devant la maladie. Je n'avais pas prévu de parler de lui ici et cette irruption me plaît. Pour en savoir plus, je recommande la fréquentation de l'Atelier Bernard Noël , orchestré par Nicole Burle-Martellotto, site où l'oeuvre et les témoignages , les documents d'archives sont recensés en permanence  et commentés par l'immense communauté amicale non réduite à l'espace hexagonal. On peut également approcher sa bibliographie et entendre sa voix sur le site de son éditeur (non principal) P.O.L . Bernard a beaucoup soutenu les petits éditeurs et notamment Fata Morgana. Ses poèmes sont des sentinelles pour moi.

 

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Extrait de poème 1 publié en 1983 chez Flammarion  p.25

 

Je survis à force de racines. La chair aurait déjà coulé

comme une terre grasse, mais les nerfs la retiennent, 

Les nerfs végétatifs. Les autres sont usés. Quelle floraison

blanche autour des os, ave d'épaisses touffes flexibles qui

se nouent, tandis que pâlissent les algues que de longues 

marées viennent plaquer  contre les dernières vertèbres.

L'eau est lourde et amère. Ma soif dévale le canal de la

moelle, roulant tout l'imbuvable qui racornit ma gorge.

Le silence plane entre les épaules et la mer, c'est le

prélude à une nouvelle aspiration des profondeurs. L'oeil

cherche de nouveaux domaines dans la région du coeur; 

mais tout végète. Les orbites ont blanchi. Il n'y a plus ni

paupières ni larmes. Le sang s'est retiré. Les poumons

ne sont que des mottes de bulles. Pourquoi penser ? si

le cerveau venait à s'allumer, il y aurait encore de la

suffocation, puis du vertige et puis la succion interne.

Tout ce calme est un piège. [...]

 

J'aime le relire et en parler. Je retrouve cette note :

« Un écrivain peut faire semblant de tout, mais est-il  encore un écrivain s’il ne tient pas son semblant pour rien ?  N’en va-t-il pas de même de l’amour ? » 

B.N   Le 19 octobre 1977 – textes - Flammarion

Bernard Noël a glissé d’un livre à l’autre, d’un texte à l’autre, d’un mot à l’autre, il a kiffé les dictionnaires, ces livres fous pour fous de sens, il n’a pas pu s’en empêcher. Quand c’était trop dur, il a cessé d’écrire. Du tout au rien. Il a parcouru sa propre pente en souriant.  Il nous laisse tout ou presque. Il a glissé dans la lumière blanche du néant hypothétique, mais son regard est encore visible. Ses yeux n’ont jamais chômé, ils ont glissé d’un visage à l’autre, peut-être d’un mirage à l’autre. Il n’y a pas eu de miracle, tout était déjà contenu dans l’enfance. Le reste n’a été qu’étonnements et  Il a voulu conjuguer tous les pronoms de la langue maternelle. Il a eu du mal avec le «nous», mais il a glissé dans l’amitié avec conviction et  parfois inquiétude (on les perd tous et toutes n’est-ce pas?), il  est parfois tombé de haut, certains mots glissés dans son  oreille ou l’abus de certains silences l’ont blessé, il a archivé, il a glissé hors de l’amertume, il a continué à accueillir la parole de l’Autre, dans le tout-venant, glissant d’une parole à l’autre, d’une écoute à l’autre, quand on aime on ne compte pas... Il n’a pas vu le temps s’écrouler sous la voûte de son crâne, il  disait:

J’écris sur la pente d’une prairie

Attention, tu vas attraper un rhume

je cours

l’air est vide sans danger

tout à coup une buée blanche

trop tard, ma tête dedans

et le rhume dans ma tête

Et moi je glisse d’un paragraphe à l’autre.  Je joue à glisser plus vite. L’exercice m’amuse.

Vous êtes malade

Non, j’étais fou.

C’est une maladie comme une autre.

Je ne m’en plains pas.

La glissade dans les images est une cavalcade. Une chevauchée fantasque. Une glissade dans les mots permet de changer d’air. Ce n’est pas toujours réussi mais ça console un peu de ne rien pouvoir ralentir dans les pensées du jour.

 

*

Semaine 39- Année XXIII - Jeudi 27 Septembre 

 

L'enfant du mercredi vient de repartir à l'école à pied, cartable au dos accompagné de son papy. Le réveil est toujours trop précoce, mais il s'adapte à ce rythme en économisant ses mouvements. Il me fait penser à un petit panda étonné qu'on réveille à tort. Le moment du petit-déjeuner est comme une fenêtre qu'on ouvre lentement, volet par volet, avec la perception de redécouvrir le monde, ne serait-ce que sa proximité. Ce matin, il regarde ses dessins, accrochés au mur, une longue fresque au feutre rouge qui représente une cité imaginaire dont les bâtiments sont tous reliés et où sont répétées des croix qui ne sont pas commentées spontanément. Il n'est pas élevé dans la religion mais l'un de ses meilleurs copains est tombé amoureux de la cathédrale Notre-Dame, ils en parlaient souvent à une époque. Ce qui frappe dans ces dessins de 2020 et 21, c'est la solidarité des bâtiments et l'importance des passerelles. On y voit une sorte de château-fort dont les remparts auraient été dépliés et déposés à plat... Les feuilles en format A4  sont scotchées les unes à côté des autres. Il n'y a plus de place pour en rajouter. C'est un sujet de discussion et d'attendrissement. Les dessins d'enfant sont des trésors qu'on jette généralement un peu trop vite. Les garder longtemps au mur permet de voir passer le temps et de le commenter avec tendresse. On sait qu'un jour, il faudra les enlever... On n'est pas pressé. L'enfant empile des dessins et des centimètres, le voir grandir est émouvant. Son langage est de plus en plus élaboré et ses avis plus tranchés. Quand je me plains parfois de son insolence (encore gentillette), il me dit : - Tu as de la chance mamie, tu verras à 12 ans, ce sera pire... Je réponds qu'il me restera toujours la possibilité de te mettre à la porte, oui mais... gentiment... Grands éclats de rire... Un enfant d'aujourd'hui est un peu différent d'un enfant d'hier dans ma génération qui a connu les trente glorieuses et la prospérité. Le monde autour est plus effrayant et hostile. Le cocon familial et scolaire est percé de menaces que les adultes ne savent pas bien gérer ni accompagner. Les dessins montrent tout cela . Un dessin  sanglant sur la mort de Samuel Paty nous avait particulièrement impressionnés. Longtemps des dessins d'incendie et d'explosion guerrière ont rempli des pages et des pages  avec des systèmes de protection, des sous-marins de plus en plus sophistiqués. Quelques dessins sur le COVID qui montraient le méchant virus et la machine pour le détruire. De petits bonhommes d'allure rudimentaire occupaient chacun des postes précis et la limite entre le dehors et le dedans était bien marquée. Au sortir de l'école maternelle le coloriage est devenu superflu, seules les mises en scène semblaient maintenant compter, et elles étaient très bavardes. Le goût du dessin s'est estompé peu à peu au profit de la lecture qui est devenue permanente et massive. Sur les dessins, le monde des figurines Minecraft relié à la Switch Nintendo a pris le relais - une heure par jour et pas avant de se coucher- Les cartes Pokémon semblent s'éloigner, un plein carton de chaussures au décor remastérisé contient les doubles... Il est temps d'arrêter la collection. La musique est entrée en scène, piano, solfège et déjà les premières improvisations rigolotes ( tant pis pour les voisins ?). L'enfant grandit sous nos regards bienveillants et émerveillés. Un privilège cela aussi. 9 ans déjà, une éternité de tendresse ...

 

La Cité Rouge 2021 APJLa Cité Rouge  (c)

 

Semaine 39- Année XXIII - Vendredi 29 Septembre 

La tenue d'un Journal comme celui-ci ressemble à l'égouttage des pâtes dans une passoire... Il ne faudrait retenir que ce qui se mange des yeux et ne pas trop attendre pour avaler ce qui semble nourrissant. L'eau des mots s'enfuit directement dans les canalisations de la mémoire morte et le filtre de la bonde évite les gros morceaux, heureusement il y en a peu, tu fais attention.

La sensation de gavage vient vite et ça te fait sourire. Changement d'emploi du temps depuis quelques jours. Rééquilibrage. Plus de dedans, moins de dehors. Du temps à soi pour ralentir et vaquer en rêvassant aux gestes  d'une maisonnée ordinaire. Eplucher, sectionner et faire cuire les carottes à la vapeur, les filets de cabillaud à la suite...  Mettre le couvert pour deux. Les tâches bien réparties. Lui la vaisselle chaque matin et un peu de balayage, toi la cuisine et la lessive, lui la bagnole et toi les draps, un peu de repassage et les rangements, en commun les livres, chacun ses piles, sa logique de stockage. Les retrouvailles rituelles matin midi soir. L'indépendance en journée. C'est la vie hors vacances et présences familiales. La présence de l'enfant le mercredi jusqu'au jeudi matin  est un rayon de soleil  qui  ajoute sa lumière à la nôtre. Tu trouves ta vie apaisée depuis que les contraintes professionnelles et parentales n'accélérent plus vos pas. Tu peux respirer plus amplement et élargir tes regards. Tu peux penser ta vie, la calibrer à ta convenance et surtout réfléchir à ce qui te convient ou pas.  Encore un privilège. Tu regardes des émissions documentaires ou littéraires tard, sans aucun souci de réveil imposé le lendemain matin. Curieusement, cela ne change pas ton horaire de lever. Ta grande fatigue des années laborieuses a disparu. Et même si ton corps a perdu de ses capacités motrices, le manque de sommeil n'est plus d'actualité. Tu dors moins longtemps et mieux depuis que les douleurs arthrosiques et diverses sont devenues plus intermittentes et moins invasives. Tu savoures chaque répit. Ta santé est tombée dans l'escarcelle des prescriptions en tout genre, tu fais le tri  là aussi.  

 

 

 

 

 

 

 


ETATS DES YEUX | Septembre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 38

 

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JOURNAL D'AUTOMNE  

Texte & Une photo par jour

 

 

Semaine 38 - Année XXIII - Lundi

Tu as laissé filer les jours. Mais ta tête n'a cessé de mouliner les mots comme dans un boulier de loto. Faute de pouvoir faire une sélection qui te convienne, tu as repris des contacts, rédigé des mails, une lettre importante et commencé à lire les nouveaux livres de la rentrée littéraire, ceux qui ont réussi à franchir la barrière de tes choix et de tes attirances. Encore une fois, tu t'approches des livres à l'intuition, avec un éclectisme qui n'a même pas besoin de se justifier. Tu lis pour nourrir ta pensée  avec des choses assimilables dans une langue claire et réfléchie. Tu ne lis pas pour te distraire, tu lis pour apprendre quelque chose que tu ne sais pas, ou pas suffisamment. Tu lis pour comparer les façons d'utiliser ta langue maternelle et les vocabulaires. Tu t'acclimates à la modernité qui est parfois déroutante et même décevante, mais tu fais confiance à l'intelligence et au discernement des auteur.e.s. Tu sélectionnes les plus crédibles quitte à ne rester que le temps d'un ouvrage dans leur microcosme et leurs préoccupations. Tu regardes et écoutes certaines émissions littéraires et tu attrapes au passage des références bibliographiques que tu notes pour plus tard. Tu commandes tes bouquins régulièrement à tes libraires ou attrapes sur leurs étagères, ce qui est prioritaire pour ton plaisir de lectrice. Tu n'achètes que ce qui vraiment sort du lot ( selon tes critères) pour des raisons qui ne sont pas du ressort des influences assenées par  les éditeurs ou les libraires (même les plus passionné.e.s). Tu te sens libre de cheminer dans des circuits buissonniers de l'offre littéraire.  Tu aimes la saveur des découvertes inédites. La littérature portée par des vivant.e.s. Tu aimes écouter les entretiens, les reportages sur la vie des écrivains et des poètes, des artistes peintres ou sculpteurs également. A l'âge où tu es parvenue, tu te sens dégagée des injonctions et des recommandations pressantes du système culturel marchand dominant et changeant. Tu recherches la rencontre vivante, l'authenticité et le sérieux des propositions mises en ligne sur internet. Tu préfères la qualité à la quantité. Tu te défies de celles et ceux qui veulent à tout prix se mettre en avant pour occuper l'écran dans des stratégies de visibilité personnelle de plus en plus décomplexée. Tu t'interroges sur ta propre démarche car tu n'as pas encore bien clarifié ce qui pourrait la contenir, au sens de la délimiter. La littérature est un  vieux continent qui ne cesse de se transformer, une colonie de termitières qui ne voit pas qui la commande de l'intérieur et qui travaille sans relâche en recyclant ses trésors.

 

La pluie d'automne et les brumes sont arrivées. Entre le monde et toi il y a cette fenêtre, des baies vitrées, des livres et des objets familiers. Tu cultives ta solitude et les moments conviviaux que tu acceptes en évitant les foules anonymes et les ambiances saturées de lumière et de son. Tu ne sors pas tous les jours. Tu obéis à une horloge intérieure qui te dicte le dosage de lumière extérieure et de verdure rassurante. Tu vis de plus en plus dans ta tête comme dans une montgolfière qui circule au dessus des contingences et des craintes ordinaires face aux périls planétaires. Tu ignores jusqu'à quand cette indépendance te sera accordée , c'est pourquoi tu la savoures, heure après heure.  Ton corps est moins exigeant, tu prends moins d'antalgiques, mais tu es contrainte à un suivi et à des prises de médicaments que tu trouves intrusifs. Tu ne sais pas si tu mourrais plus vite en ne les prenant pas. Tu essaies d'oublier la question en songeant à tous ceux et celles qui ne peuvent pas se soigner. C'est une injustice qui te taraude... L'arrivée de nouvelles vagues migratoires à Lampedusa  ravive ta colère. Elles rappellent l'iniquité du partage des richesses et de la sécurité. Comment éviter ces exodes suicidaires et exploités par des marchands irresponsables. Comment calmer l'illusion d'eldorado et rétablir l'ouverture des frontières pour éviter les barbelés et les soldats ?


ETATS DES YEUX | Septembre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 37

 

LA SOCIETE SECRETE DES MARCHEURS

JOURNAL D'AUTOMNE  

Texte & Une photo par jour

 

 

Semaine 37 - Année XXIII - Mardi

L'inutilité des accumulations quelles qu'elles soient contredit le besoin qu'on en a pour garder le sentiment d'exister et surtout de durer. L'accumulation des notes écrites et des photographies sur ce support immatériel débouche sur la même contradiction. L'écriture déborde de partout et la photographie l'engrosse perpétuellement. D'où vient probablement mon goût pour l'arrêt sur image et le propos qui en découle. Imprévisible.

 En cela , je me reconnais dans certains personnages du livre offert à son père,cet été, par notre plus jeune fils. Je viens d'en terminer la lecture avec un double sentiment de plaisir et d'ambivalence. Le titre plutôt long attire l'intérêt et intrigue : La société secrète des marcheurs solitaires. L'auteur Rémy Oudghiri, sociologue, se décrit étudiant fictif ou réel, exilé à Paris et nostalgique de son enfance à Casablanca. Il entreprend une enquête à partir d' une question qui le taraude. A quoi peut servir la marche dite au hasard ? Celle qui ramène aux origines ou ailleurs, en passant par l'inattendu. Qui la pratique et pourquoi ? Fait-il partie de cette sorte de marcheurs et qu'en conclue-t-il pour lui-même et quelques autres ? Le livre n'a pas été choisi au hasard, car il s'adresse à un homme qui est toujours dehors, qui ne dit pas où il va et ce qu'il voit, sauf quand on le questionne. Il roule plus qu'il ne marche depuis l'adolescence et il aime lire dehors. Double éloignement qui est une errance dirigée. Des retours à heures fixes empêchent l'inquiétude. Le rituel se répète chaque jour, auquel s'adjoignent des corvées de courses alimentaires ou d'autres missions liées à l'intendance de la maisonnée. Ce sont de véritables escapades qui deviennent parfois des randonnées quand des proches les organisent. Le vélo en ville, bien que dangereux permet de sillonner les rues et les quais, source d'images toujours nouvelles et parfois familières. La médiathèque est une étape prisée. L'errance continue dans la lecture...

 

 

 

 

Semaine 37 - Année XXIII - Mercredi

POSTE RESTANTE

Tu essaies de canaliser le foisonnement des sollicitations verbales autour de toi. Elles sont plus virtuelles que réelles puisque c'est toi qui ouvres les vannes numériques chaque matin. Lire te fait écrire et écrire accentue ton désir de lire. Tu acceptes mollement le principe d'alternance entre conversations réelles et échanges à prétentions littéraires sur le web. L'usage de la langue n'a pas la même densité dans chaque espace et cela conditionne ta respiration mentale et physique de manière subtile.Tes pensées déambulent comme dans une maison encombrée ou en travaux,  lors d'un déménagement qui s'éternise. Tu visualises la superposition des cartons de livres, dont te parle ta grande Amie Angèle Paoli. Pendant l'été saturé de présences familières, vous n'avez pas eu le temps de reprendre votre échange épistolaire. Tu lui dois une réponse et tu la savoures à l'avance. Sa lettre précédente encore non publiée est un trésor tenu près du coeur. Tu aimes le ralentissement des actes de connivence malgré le fort sentiment de fuite de nos temps de vie. C'est l'inattendu de l'arrivée d'une lettre que tu guettes.

 

L'ENFANT  DU MERCREDI

Il reprend ses marques - les petits rituels dans sa chambre où on a évacué des archives de jouets, rangé la bibliothèque de bandes dessinées ou de livres jeunesse, mis en place un petit bureau de bois clair. On a gardé le château-fort, impeccablement ordonnancé, pas de guerre pour l'instant. Juste ce qu'il faut de place pour écrire les mots d'une dictée de CM1 qui parle de salle de bains et de soeur qui veut prendre sa douche. L'enfant joue le jeu et accepte de corriger ce qui cloche, très peu de chose en fait : deux à prépositions à prendre en compte, un accent aigu et un autre circonflexe dans le mot "démêler". Pas de quoi fouetter un chat. Il a déjà rédigé trois textes libres où les fautes sont plus nombreuses, mais l'imagination est là, elle s'exprime facilement. Les formulations sont parfois drôles... De dire par exemple pour se présenter : J'ai zéro frère et soeur !  

 

PASCAL QUIGNARD

Il y a longtemps que tu le lis - ses textes érudits et très élaborés t'obligent à changer ta manière d'engranger les mots - tu le lis lentement et ne crains pas de buter sur des formules latines dont il aime truffer ses pensées. Il voyage dans la littérature  avec des prédilections pour les écrits anciens et la musique où le silence  est roi . On se perd facilement dans ses évocations qui prennent allure de sentences douces ou d'allégories gourmandes. Il n'est pas d'ici et de maintenant. Tu ne serais pas étonnée de le voir vêtu d'habits en grosse laine écrue et vêtu de sandales en cuir à laçets... C'est un écrivain du lieu Jadis... Tu as hâte d'entendre sa voix dans l'émission de ce soir à la Grande Librairie. Chacune de ses apparitions et son regard bleu perçant te fascinent. Tu viens d'acquérir LES HEURES HEUREUSES dont il parlera ce soir (XIIeme volume du Royaume).

 

Semaine 37 - Année XXIII - Vendredi

 

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ACCUMULATIONS

L'écriture ne peut absorber tout ce qui s'est passé ou dit depuis mercredi. Deux fois le même personnage dans le dernier rêve des deux nuits successives et c'est cela que tu retiens. Cela parle de séparation et de mort mal vécue. Hier, anniversaire des obsèques de M.L.   à  JUJURIEUX. Trois ans déjà. Manque de temps pour mouliner les choses à dire ici dans une forme satisfaisante.

 

 

 


ETATS DES YEUX | Septembre 2023 | Ajustements d'images | LES HEURES PLEINES | Semaine 36

 

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JOURNAL D'AUTOMNE  

Texte & Une photo par jour

 

Semaine 36 - Année XXIII - Samedi

L'habitude d'écrire tous les jours est prise. Je n'ai jamais voulu rédiger un journal jusqu'ici. L'écriture est entrée dans ma vie par de petites portes discrètes. A considérer le nombre de notes griffonnées dans des carnets ou des cahiers successifs, je ne peux qu'admettre leur place de plus en plus visible, témoignant pingrement de ma vie passée et actuelle dispersée dans mes cartons de rangement. Je les garde à l'abri pour l'instant. J'en relis  quelques uns parfois, pour le plaisir d'en avoir oublié le contenu, j'aime leurs contenants choisis par coups de coeur et opportunités.  De petits carnets souples ou cartonnés, de rares cahiers, des  demi-feuilles volantes glissées dans des enveloppes. J'aime écrire à la main, même maladroitement, je suis une gauchère empêtrée et crispée. Je me sens obligée de repasser à l'encre sur les lettres lorsqu'elles sont trop informes. Quelqu'un m'a dit un jour que je faisais beaucoup de brouillons.  A cette époque je prenais de nombreuses notes pour mieux écouter et observer les gens.  Je ne restituais que ce qui me paraissait présentable. Double écriture, double peine...Un droitier qui n'avait sans doute aucune idée de mes efforts de gauchère pour présenter une graphie lisible soulignait ma différence. C'était sans doute un reproche à peine voilé. Pour écrire lisible il me faut du calme et du temps. Je n'aime pas précisément ce qui est brouillon et négligé. J'apprécie les belles écritures. Je les envie. J'alterne désormais  écriture à la main et écriture numérique au clavier avec un réel plaisir. L'écriture en caractère Georgia italique me plaît.

Aujourd'hui, les changements imposés par la vie me donnent envie d'explorer les possibilités d' exprimer ce que je pourrais appeler, si le mot n'était pas trop pompeux,  une quintessence de mes traces graphiques.  En formulant cela , Je pense davantage à l'extraction d'une huile  mentale essentielle aux pouvoirs identifiés et répertoriés. Mais j'ai conscience qu'il faut  que  "L'écriture ou la vie"   dont parlait Jorge SEMPRUN ,ne se fasse pas querelle. Je partage son idée qu'il faut du temps avant de parvenir à les relier, comme on assemble prudemment des éléments naturels dans un alambic. Ce n'est pas une décision anodine. Elle engage quelque chose de soi dont on ignore tout au moment où l'on passe à l'acte.

 

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EVENEMENTS

J'apprends incidemment, un tremblement de terre au Maroc et je ressens son onde de choc moral pour tous ceux et celles qui se sentent concernés par l'augmentation de fréquence des catastrophes naturelles. Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour s'identifier immédiatement aux victimes, à leurs paniques, à leurs cris de détresse et à toute la confusion qui va suivre. Il faut des gens pragmatiques et courageux pour faire  face à de tels drames. Il y en aura certainement de disponibles dans les jours qui viennent. Rester à l'écoute des demandes, envoyer un peu d'argent ? Quoi faire de plus ? En lisant la presse, je vois que l'empathie se manifeste et cela me rassure provisoirement.  Le centre historique de Marrakech est touché mais  des régions de montagne inaccessibles autour se retrouvent  dans un dénuement plus grand encore. J'ai toujours été abasourdie par cette propension humaine à côtoyer les dangers potentiels en faisant confiance à la chance.  Vivre près d'un volcan ou de toute autre menace plus ou moins naturelle  demande un état d'esprit  très particulier. L'humain supersitieux ou défaitiste côtoie le chercheur prédictologue qui s'ingénie à contrer les forces obscures et véhémentes. Apprendre à ne pas être au mauvais endroit , au mauvais moment peut-il s'enseigner ? Les mouvements d'évacuation me font immanquablement penser à l'exode... J'en fais des cauchemars récurrents dont je connais la provenance. J'imagine tout ce qui percute la sécurité de base des individus ordinaires. Les enfants, les personnes âgées ou vulnérables sont bousculé.e.s, séparé.e.s, parfois délaissé.e.s, comme dans un naufrage où chacun.e veut et ne peut pas sauver sa peau en même temps que celle des siens.  Ahurissement, sidération, terreur, abattement, folie parfois. Et le silence qui suit la déflagration, cette impression de fin du monde, comme une répétition générale localisée...

Souvenir du mini-séisme de 2019, à moins de 200kms d'ici, de la fragilité des maisons, de leurs failles impressionnantes et des éboulements monstrueux  [ séisme de magnitude locale 5,4 et de magnitude de moment 4,9 qui a frappé le centre de la vallée du Rhône et ses alentours le 11 novembre 2019. Son épicentre est situé près de la commune du Teil en Ardèche ]. La vie a repris depuis comme si de rien n'était.  Des échafaudages trônent un peu partout. Beaucoup de bâtiments dont des commerces sont en vente. Le centre ville était déjà  déserté. On ne parle plus de cet épisode aujourd'hui.  Silence étrange. Des gens y vivent, pour la plupart d'origine étrangère, comme résignés ou philosophes. La Centrale Nucléaire est tout près. On ose même pas dire qu'on joue avec le feu...On veut vendre des voitures électriques. C'est la fuite en avant. Carpe Diem mes agneaux !

 

RIEN A VOIR

Hier au soir, très beau match d'ouverture de la coupe du monde de rugby. L'équipe française a gagné face à celle des All Black. Je m'aperçois que cela est dérisoire. Des milliers de spectateurs et spectatrices ont payé, certains se sont grimés, pour assister à l'affrontement brutal et frontal de trente types  hypermusclés se disputant un ballon ovale trempé de sueur. Des gladiateurs rouges et survoltés, dans une cuvette transformée en sauna. Les types ont assuré, c'est sûr, il paraît qu'ils sont bien payés. A la Une , les cocoricos. Le gros titre :   EN MISSION POUR LA GLOIRE ETERNELLE  ! Mon ambivalence face à cette liesse guerrière. Est-ce que ce monde est sérieux ?

 

LETTRES

Je relis de très vieilles lettres conservées et triées par notre père. Il s'était fait un bureau au sous-sol pour examiner ce qu'il avait ramené de sa maison parentale. J'y découvre les préoccupations des années de guerre. Un échange épistolaire à l'écriture dense et encore lisible entre un père voyageur et négociant en vins immobilisé et un fils aîné mobilisé à  l'étranger à qui il prodigue une multitude de conseils. Le courant a l'air de bien passer à cette époque, en dépit des réticences d'une belle-mère jalouse et suspicieuse qui n'a pas pu se faire aimer. Elle est restée venimeuse pendant de longues années à l'encontre des deux premiers garçons de ce père qui l'ont plus ou moins rejetée, acceptant difficilement ce remariage , mais surtout le caractère possessif et hystérique de cette usurpatrice adoubée après une cour épistolaire assidue, par ce veuf esseulé. J'ai connu cette femme, je ne l'ai pas détestée en raison de la tolérance  de notre père à son égard il faisait le médiateur. Elle a bénéficié de l'usufruit de la maison, les trois garçons ont conservé les vignes qui représentaient le lien loyal au père. Tous les ont abandonné à regrets. Toute une histoire...

 

Semaine 36 - Année XXIII - Dimanche

Le goût d'écrire dès le réveil. Je l'accueille comme on dit bonjour à un être familier encore ensommeillé dans un rayon de lumière matinale. C'est le meilleur moment pour laisser filtrer les idées fraîches et reposées, en fait tous les mots qui semblent vouloir prendre place sur l'écran.  J'ai attrapé au hasard dans un sac de promenade un livre dont le titre m'attire  : AVOIR LIEU . Il correspond à mon état d'esprit.  Son auteur Emmanuel MERLE que je connais pour l'avoir croisé de multiples fois dans des événements poétiques régionaux, m'a souvent paru réservé, taiseux, malgré un sourire timide et permanent. Professeur de Lettres je crois, je l'imaginais très doux avec les élèves, les laissant s'exprimer sans renoncer à ses prérogatives d'enseignant. Il fait partie des contemplatifs à la vie intérieure puissante, indécis quant à la vraie nécessité de faire connaître ses pensées intimes. C'est pourquoi  j'ai eu plaisir à acheter son livre sobre et élégant de facture classique, publié à l'Etoile des limites. Ses textes sont magnifiques. La relation père-fils s'invite d'emblée au seuil du livre dans un décor de montagne. Un père redoutable et aimé semble-t-il.  Un père prêt à abattre les chataîgniers qui prennent "la maladie de l'encre". 

En guise d'amorce de lecture, cette note de quatrième de couverture qui m'inspire:

L'air durcissait. Comme toujours nous examinions

les signes, dans la découpe semblable et fractale des pierres du chemin et des cimes,

dans le système changeant des ombres

des nuages. Dans l'augure moderne du vol des oiseaux

et des avions qui, d'en bas, entrecroisaient leurs trajectoires.

Nous cherchions notre place.

La terre est un dos. Nous sentions sous nos pas sa bosse

immense. Tout pouvait commencer du théâtre du monde.

 

        Et sur un marque -page  un court paragraphe d'introduction que je lis comme un signe justement,comme celui de la découverte d'une plume de pie sur notre balcon tout à l'heure :

                                                                                                           

                                                                           Les lieux ont une mémoire.

Non seulement la mémoire

des arbres, des herbes qui les

ont habités, des pierres qui 

ont surgi et qui ont fait

quelques mètres dans la 

pente à l'air libre avant de

s'enfouir à nouveau, mais

aussi des êtres qui les ont

traversés, des êtres sans 

racines, dressés ou courbés

dans le même calcium et le

même carbone.

 

Il sera sans doute question de mort et peut-être de violence voilée dans ce livre , de voyage aussi , au travers de routes qui mènent toutes à des ombres anciennes, à des obsessions sans doute. Même si les paysages sont différents des miens, je sais que je vais retrouver ce qui me préoccupe, et que la langue malaxe partout et sans relâche. Je suis heureuse que ce livre tombe dans mes mains à cette heure précoce de la journée qui va être chaude encore. Les fenêtres seront fermées à la mi-journée, et les stores  seront baissés pour reconstituer la grotte d'écriture dans laquelle je vais essayer de penser et distiller l'écriture. 

 

ATELIER

Je participe depuis deux ans au collectif TIERS LIVRE créé par l'écrivain pionnier du Net François BON. Il donne la possibilité aux abonné.e.s de sa chaîne payante de contribuer à créer des textes destinés à nourrir une dynamique d'écriture en collectif qu'il voudrait proche des workshops  américains. L'idée est aussi de conforter des vocations naissantes d'auteur.e.s avec le soutien d'un groupe d'échanges dédié et privé sur le site TIERS LIVRE. Les contributions individuelles rejoignent à leur rythme le grand flux numérique des réseaux, avec un souci constant de progression et de diversification de l'usage de la langue et des images. Les vidéos y ont une place grandissante. Le vidéo poème est sans doute la forme de Littératube qui m'intéresse le plus en raison de sa concision et de sa créativité artistique. Je me contente pour l'instant d'écrire à partir des thématiques d'exercices proposés hebdomadairement le dimanche, avec une consigne bis le mercredi. Ce sont la fréquence et l'endurance qui conditionnent une certaine constance dans l'effort de concentration et qui peuvent aboutir à une publication selon la consistance du chantier et le désir de le voir aboutir. La principale qualité de ce dispositif , un peu auberge espagnole, c'est qu'il constitue une forme chaleureuse de communauté virtuelle de e-lecteurs et lectrices, ouverte et très active. La difficulté est de ne pas s'en contenter et de s'y enfermer à son insu. Il y a une majorité de femmes dans ces groupes.

 

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ETATS DES YEUX | Juillet 2023| Lettre à Jane BIRKIN et aux autres filles ou femmes

 

Chère Jane,

    Je ne sais pas où vous êtes à présent. Des inconnus cernent votre maison Parisienne. Pas mal de monde s'est réveillé, consterné ou ravagé, en apprenant votre mort solitaire, c'était ce Dimanche. Les journaux , les médias et les réseaux sociaux se sont emparés de votre vie qu'ils prétendent connaître... Une profusion de photos, de souvenirs people inonde à présent les écrans et bientôt les magazines. Mais vous vous en foutez bien sûr, vos derniers instants ont-ils été paisibles, drôles ? J'imagine un - Merde ! Qu'est-ce qu'il m'arrive, j'ai encore fait un truc qu'il ne fallait pas, mais c'est vrai je suis de plus en plus flagada, je ne remonte pas la pente, j'en ai un peu marre je crois... !  J'imagine toutes sortes de scènes , je n'imagine rien en fait, je projette mes pires craintes,  je vois simplement quelqu'un qui s'arrête de vivre et qu'on va retrouver inerte à 11 heures du matin... comme une poupée triste  - Oh ! Pardon, je voulais dormir plus longtemps cette fois ! Jane, quelqu'un de discret et de pudique comme vous qui n'a pas donné l'alerte et que sa famille va pleurer avec des millions de gens. J'en fais partie et je n'ai pas honte de le dire. Je ne suis pas fan des sixties, j'étais à peine née, mais j'ai suivi votre belle évolution artistique, votre émancipation en fait. Vous étiez l'une de ces "enfants d'hiver" dont vous aviez la nostalgie, votre enfance heureuse  sous des regards aimants, votre dégaine de garçon manqué  et débraillé me plaisait follement. Rien ne vous prédestinait à devenir une icône androgyne et hyper féminine avant l'heure. Vous avez surfé sur toutes les vagues de la dictature de la beauté, vous êtes restée intacte , juste plus fragile à l'intérieur devant les grands malheurs, les vôtres et ceux autour.  Vous la British à l'accent délicieux, êtes devenue Parisienne  puis Bretonne par goût du bonheur (parfois compliqué) et de la solitude bien employée. Votre capacité d'amour inépuisable vous a permis de devenir quelqu'un de doux et de généreux.Votre présence sur les plateaux télé n'a jamais été nunuche, vous saviez vous défendre comme un caméléon astucieux. Ils veulent que j'incarne leurs fantasmes, allons-y allons au zoo... Après tout, c'est moi qui m'amuse...  Mon chien est moins idiot que tous ces prétendants lubriques... Au moins, il sait qui lui donne à manger... Où est-il d'ailleurs ce chien ? Est-il resté en Bretagne ?  Est-il mort ou confié quelque part ? Est-ce que quelqu'un va prendre en compte sa peine ? Vous teniez votre chien comme un enfant sur vos genoux et c'était drôle. Dans le film de Gaëtan Roussel, que j'ai revu hier, vous disiez votre plaisir que les gens du coin vous foutent la paix. La Bretagne vous rapprochait de l'Angleterre, et surtout de votre père dont vous avez revisité les souvenirs de guerre... Vous aduliez votre mère, la beauté incarnée, actrice et complice, vous auriez aimé avoir fait un film sur elle , comme l'a réussi votre fille Charlotte sur vous il y a deux ans. C'est grâce à elle que j'ai compris ce que j'aimais en vous : la liberté d'aimer sans entrave, sans souci excessif des commentaires, sans possession non plus... Juste la fidélité des sentiments et la reconnaissance... Je me  souviens de votre "Gainsbourg Symphonique" en Ardèche, un monument de gratitude et de grâce... Vos derniers albums sont des cadeaux immenses à votre public. 

     Je ne parle pas ici de vos filles, car cela me met les larmes aux yeux. Bien sûr , on va voir des images, ces traques à l'émotionnel qui polluent la confidentialité du deuil. Je souhaite qu'on vous réserve un accompagnement et une inhumation aussi pudique et délicate que vous l'êtes encore dans mon regard très triste. Je vais relire votre journal intime et écouter vos disques, histoire de ne pas vous quitter trop vite et trop mal. 

    Je vous offre l'une de vos chansons, dans "enfants d'hiver", elle vous ressemble tant...

 

Prends cette main qui a beaucoup servi

Fais un pansement autour d'elle

Il faut lui apprendre

A se servir des doigts

On a coupé les ongles

Trop court une fois

Prends ces bras qui ont serré les maladresses des inconnus

Entoure ce corps qui a donné la vie 

Avec les brassières de survie

Prends cette bouche et cogne les dents

Je veux connaître tes veines tes bleus

Tes plis ta nuque  voir tes cheveux

Dans tous les sens et upside down

Pousse un peu de toi dedans

Soulève les pulls les jupes et les voiles

Je veux être devant toi à poil

Et endormie sentir le poids de ton

De ton corps qui pèse qui pèse sur moi

Je veux sentir ton coeur reposé

Contre la cage

Qui enferme  le mien

Oser être vue par toi demain

Les yeux bouffis

La main posée sur ta hanche la marque déposée

Veux-tu bien être mon dernier amour

C'est pas grave si pour toi

C'est pas grave 

Si pour  si pour toi si pour

Si pour si pour

Toi c'est pas sûr

 

 

   

Je pense à toutes les filles, à toutes les femmes qui  restent encore craintives face à la liberté, je leur dédie toute votre vie publique pour les encourager à vous rejoindre dans la joie et les pleurs. 

Jane Jolie Jane, je vous aime.

Une femme (encore) vivante.

 

 

"Charlotte, son prix d'interprétation à Cannes et 

aux Césars et Lou meilleure artiste. Je ne pense pas

qu'une autre mère au monde  ait trois filles qui 

réussissent mieux qu'elles. Elles me donnent la chair

de poule [...]

J'ai diné avec Charlotte et les enfants et  elle a dit

qu'elle était fière de moi, qu'elle comprenait la 

beauté de ce que Serge a écrit pour moi, que ma

voix était très puissante, comment Serge faisait-il

pour écrire deux chansons en une nuit ? Oh, j'étais

si contente, si heureuse."

 

Jane BIRKIN, Post-scriptum, Journal  1982-2013

 

 

ET CETTE SUBLIME LAST ONE :  JANE B...  for EVER


ECRIRE par et pour LE TIERS LIVRE | Sur consigne | Mars 2023 |  # Revisite # 03 | L'écriture à vie nue ( façon Duras)

 

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"Il est là le milliardaire, dans le ciel nu.

Et dessous il y a les gens. Par milliers [...]"

 

Marguerite Duras, L'été 80

 

 # Revisite # 03 | L'écriture à vie nue

 

ATELIERS proposé par François BON

 

[ 1 ]

Donc, voici, qu’elle écrit pour Tiers-Livre. Elle n’est pas pigiste, ni écrivain, elle lit chaque jour des dizaines de phrases sur l’écran d’ordinateur et beaucoup dans les livres qu’elle achète. Elle dit qu’elle écrit d’abord à travers ce qu’elle choisit de lire ou de vivre. Elle n’est pas copiste, ni agrégée, ni typographe, ni imprimeuse, ni journaliste, ni professeure, ni obligée. Rien ne vient aussi bien que l’habitude prise d’aligner des mots devant ses yeux, de les prononcer à voix haute parfois. Elle aime en palper la charge poétique rythmique. Ecrire la langue lue, lire la langue écrite. Parce qu’elle a pu l’apprendre dans l’enfance dans les voix de quelques autres, devenus lointain.e.s, flouté.e.s, relégué.e.s aux légendes. Des noms, des prénoms, des fonctions. « On n’oublie les détails et on oublie les phrases, mais jamais les lieux ». Le frère disait cela l’autre jour au téléphone après une incinération. L’emplacement et la disparition des corps, leur marge de manœuvre, leur immobilité fascinante, leur orientation dans la pièce, leur ensevelissement définitif. Etrangeté lancinante d’un souvenir commun persistant et perturbant. Elle pourrait lister ces images indélébiles. Elle pourrait parler des émotions perdues. Elle pourrait hiérarchiser l’impact, peaufiner les descriptions, documenter les scènes à la manière des archéologues. Elle n’a que l’embarras des choix pour les lieux de prélèvement. La vie grouille de circonstances, d’instants de vie dont parlait Virginia Woolf, de la folie ou du calme relatif, d’anecdotes perpétuelles. Des histoires sur des histoires, des blablas à n’en plus dormir, des ragots, des discours, des postures, des maladresses, des combats, des rires, des sanglots, des pudeurs, des horreurs. Des orgueils, des moqueries, des perfidies et des passages à l’acte. Elle lit tout cela dans les journaux en zappant, le malheur lui fait mal au ventre, elle n’est jamais neutre, détachée. Elle encaisse les dividendes négatifs et poisseux de sa réflexion quotidienne sur le monde. Elle pleure en silence. Ecrire en pleurant n’est pourtant pas ce qu’on imagine de plus courant Ecrire sèchement est ce qu’on demande aux bureaucrates et aux technicien.n.e.s de la chaîne du livre. Elle pense soudain aux autres métiers invisibles, aux nettoyeuses et aux nettoyeurs de crasse collective, aux mal payé.e.s , aux malmené.e.s. A cette histoire d’éboueurs Parisiens. Car c’est le buzz de la semaine avec la Marseillaise entonnée à l’Assemblée hier, jeudi, contre le 49,3. Le défi. C’est écrit un peu partout avec des partis pris. Une liste d’agents de nettoyage qu’on réquisitionne par les rouages républicains. Pour les empêcher de faire grève et de saloper les environs de l’Elysée. Libé journal parle de cela, d’autres fulminent ou se gargarisent de prophéties menaçantes. Ecrire la vie de la cité est un bon sujet, un alibi fleuve, un puits sans fonds. Écrire ce qui se passe autour, tel que perçu, a minima se faire une idée de l’état des lieux et des liens. Mais aujourd’hui, elle regarde aussi le ciel à travers la baie vitrée. Elle doit tourner la tête, elle ne regarde pas longtemps. Elle voit les immeubles en cascades brouillonnes et pourtant arithmétiques. Elle ne voit pas la foule, tout ce qui passe et se passe, même pas à l’intérieur de l’immeuble. Le voisinage est invisible lui aussi , muré dans sa vie privée. Le fantasme de Pérec d’enlever les façades et les cloisons pour les voir est pure fantaisie d’enfant perdu. Elle pense aux enfants, à tous les enfants, avec leurs éclats de voix, leurs mouvements agiles qui lui manquent, elles les imaginent en cage dans les écoles et les maisons, dans la crèche familiale d’à côté dont elle voit le panneau de publicité, un bout de toit moche surplombé d’un grillage rouillé (que les enfants ne voient pas) et un minuscule bout de cour où des plots de plastic coloré semblent les attendre. Bientôt ils sortiront dehors avec des ballons, des pédibus, des jouets qui roulent, et les comptines retentiront. La compagnie des bébés est pourtant pathétique. La plupart réclame leur mère, ou quelqu’un qui n’est pas là, dont les bras et le regard sont trop intermittents, matin et soir, des êtres tutélaires qu’il faut attendre sans avoir le sens du temps. « Un dodo et tu verras ta mère, Mange et dors petit enfant aux joues barbouillées de larmes et de compote ». Les bébés pleurent souvent, certains plus que d’autres, on dit : « lui ou elle c’est un chouineur, une chouineuse, et de l’autre qu’il ou elle est sage comme une image », une image qui ne réclame pas plus qu’on ne lui donne. C’est pratique. Un bébé facile qui n’empêche pas de travailler, de dormir, ou de faire la fête. Les enfants savent vite s’ils sont désirés, encombrants, en sécurité ou non. Aujourd’hui leur sevrage des corps parentaux est tellement brutal (on dit que c’est la norme sociale) qu’elle s’étonne qu’il n’y ait pas davantage d’abruti.e.s et de rébellions dans les rues. Elle imagine des manifestations d’enfants réclamant des adultes qu’ils sachent mieux mesurer les conséquences pratiques d’une mise au monde, de leur faim de sollicitude et de respect qui nécessite des présences non virtuelles et un détachement progressif sans violence. La sécurité de base et la confiance en l’autre dont sont dépourvu.e.s bien des contemporain.e.s pour avancer sereinement, courageusement et honnêtement dans l'existence. La compagnie des enfants est la plus instructive qui soit. L’asymétrie des forces physiques et mentales les met sous la responsabilité plénière de qui les aide à grandir. Marguerite Duras aimait les enfants. Le sien, en particulier, Outa, qui est un enfant libre des années 68. Et il le lui a bien rendu. On disait pourtant que cette femme si sauvage et brillante était folle. Qu’elle écrivait parfois n’importe quoi. Surtout au cinéma. On a persiflé que son style ou que sa syntaxe ne relevaient pas de la Doxa Académique, elle est pourtant entrée à pleine voix dans la Pléiade. Comme quoi... C’est son visage ridé d’après la trachéo et un peu moqueur que la narratrice regarde tous les jours, devant elle, au-dessus de sa tête, à côté de celui de l’enfant d’ici. Au-dessus de ce qui est, non pas sa table de travail mais son espace vertical à lire et à écrire, à rêver... [A suivre ?].


ECRIRE par et pour le TIERS LIVRE | Sur consigne | Mars 2023 | #revisite #01 | Perec, notes concernant ma table de travail

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Comme toujours, il faut rentrer. Quitter les montagnes

pour d’autres montagnes. Quitter les ancêtres

Pour d’autres ancêtres. Le même sang.

La même pierre.

Les lacets de goudron entre les forêts

Aussi profondes que les ravins qui les bordent.

Comme toujours, il faut rentrer [...]

 

 

Cécile COULON, EYZAHUT (Extrait, Les Ronces, 2021

 

Importance de réajuster les paroles et de bien savoir à quel endroit je peux les déposer en toute sérénité et sans attendre quoi que ce soit de plus que leur présence sur le support choisi. Les dialogues éventuels avec des personnes qui peuvent interagir et accueillir le flux dans sa portion la plus aléatoire et modeste sont à même de justifier ou de conforter ou non cet effort de présence. C'est ce à quoi je réfléchis ce matin en considérant les possibilités qui me sont données de choisir comment exprimer ce qui me paraît encore intéressant à partager d'un point de vue littéraire. Il me semble que les conditions se transforment à toute allure, c'est pourquoi je dois repartir d'un point précis pour mener certains chantiers d'écriture sans souci de leur impact immédiat, mais en perfectionnant en permanence ma façon de dire par écrit ce que je donne à lire. C'est à la fois évident et aventureux. Je cherche à garder une autonomie satisfaisante dans cet acte quotidien d'écriture et une souplesse de réalisation qui rende mon travail soutenu et encourageant. Je prends appui sur ma participation présente aux Ateliers atypiques de François BON où je cherche à dépasser mon ambivalence quant à leur pertinence dans mon propre processus d'écriture. Ce sont surtout les outils d'écriture numériques, et le corpus disponible par abonnement au site Wordpress collectif qui guident mes choix et m'oblige à organiser drastiquement mes temps de lecture et d'écriture participative.  Je retranscris ici l'un des textes de réponse à une consigne de François Bon.  La concision est volontaire.

 

revisite #01 | Perec, notes concernant ma table de travail

Ma table de travail, n'est pas une table de travail, c'est un coin d'écriture sédentarisé dans un angle du salon. Fabriqué en bois de différentes provenances, il a été aménagé par nos soins conjugués, il se donne aujourd’hui des airs de cale de bateau à ciel ouvert, exigu et encombré. C’est une cabine de pilotage essentiellement numérique depuis 2004. Il est entouré de livres, de grigris en papier (citations), d’œuvres et d’annonces créatives triées sur le volet, de carnets, de cahiers et de stylos. J'y utilise un ordinateur portable relié à la box et à l’imprimante. Plusieurs mémoires externes voisinent avec une légion de clés USB. Elles contiennent la mémoire d'une partie d’archives personnelles, professionnelles et associatives. Ce lieu d'écriture qui n'est pas unique, est devenu trop intime pour être décrit précisément ou photographié. C’est un espace où je me sens à l’abri des intrusions virtuelles . Personne ne peut savoir ce qui s’y passe et ce qui se trame en temps réel. Tout ce que j’y prépare est imprévisible. C’est un enclos où seuls les familiers peuvent pénétrer pour demander quelque chose, je le quitte et j’y reviens volontiers dès que c’est souhaitable. C’est avant tout la concrétisation de la libération de mon temps de retraitée active. C’est là où mon cerveau pérégrine le mieux depuis que je dispose de tout mon temps libre à quelques contraintes( voulues ) près.


ETATS DES YEUX | Mars 2023 | Ajustements d'images | CARNET INDIVIDUEL sur TIERS LIVRE | # 01

TIERS LIVRE ATELIER FRANCOIS BONTIERS LIVRE ATELIERS  François Bon

 

L’ENTAME DES JOURS [ chantier ]



"Recherchant des preuves de la réalité

dans la réalité”

 

Nathalie Quintane

 

# 01   23.03.08

RECONSTITUTIONS

André VOLAND

Portrait 1 : Garçonnet un an  – yeux en amande – se tient au barreau vertical d’une chaise de photographe – sage – sans doute étonné – grand-mère maternelle a payé les deux clichés – enfant chéri – elle préférait le garçon à sa  sœur – elle n’aimait pas sa fille … – Mauvaise ! disait ma mère.

André et Grand-Mère Maternelle

 

Je le tiens mon personnage, il est réel mais inaccessible – il pourrait être en vie ou sur le point de quitter la vie – une vie bien remplie – Mais on lui a volé sa vie.

Je fais partie à présent des femmes à tristesse profonde – un héritage  – une mission –  un devoir de mémoire.

Les récits maternels – la légende lacunaire – l’obsession – l’inguérissable perte – le non-pardon – la colère – d’autres malheurs encore avant et après – ça n’en finit pas …

Parti en 1941 au STO – Une seule lettre envoyée à son père, sa soeur et une autre à sa fiancée. Deux tentatives d’évasion. Repris et déporté à Dachau – Atteint du Typhus – Admis à l’infirmerie. Serait déclaré mort en 1945 au moment de la Libération du Camp – Transporté dans un Hôpital Américain ( où ?). Un Abbé Déporté-Volontaire a attesté qu’il lui avait fermé les yeux. Le Ministère des Armées accorde la mention “Mort pour la France” après bien des tergiversations administratives – Aucune précision sur les conditions d’inhumation.

On peut toujours gratter la terre en vain – les preuves verbales ont disparu – la mémoire n’est qu’archives à numéros –  presque  anonymes – des bribes dans la grande Histoire – des lettres perdues ou jaunies – des documents chétifs qui se désagrègent – André n’a pas de sépulture là où il est mort – Le lieu exact est incertain – Sa mère de naissance n’a pas eu de tombe non plus – Lui, juste une plaque que sa sœur a fait graver sur la tombe de son père et de sa belle-mère. Mort à Dachau. Il a fallu attendre 1951 pour avoir confirmation d’une date de mort certifiée (sans garantie).

Je n’ai pas encore eu le courage d’aller au Musée d’Histoire de Lyon pour consulter les archives disponibles. https://www.chrd.lyon.fr/.

 

 

“Car un homme dont une personne au moins autre que lui-même peut certifier l’existence ne disparaît pas sans donner une explication à sa disparition, pense cette personne”

 

Nathalie Quintane

 

Les Parents
Les médailles du Père avant son mariage en 1920
Prisonniers photographiés en captivité sans leurs galons
Soldats Tr
Travailleurs 14-18

 

Il ne faudra pas y retourner par quatre chemins – une seule ligne de train – un passage de frontière –  un exil – une captivité – une rude soumission  sous garde armée – regards fuyants ou hostiles. L’enfer sur terre. Le reconstituer ?

Inventorier les choses sûres :  date de naissance- 7 Juillet 1921 à 9h45 – lieu de naissance Fareins dans l’Ain  au Château de Fléchères où parents employés : lui Régisseur Jardinier, elle  Couturière-Tuberculeuse – Orphelin de mère en 1933 – Une petite sœur qu’il appelle Monette – Solidarité – Remariage paternel 1938  – Un homme ne peut pas rester  seul – Mariage arrangé – Une Italienne née à Bergame, couturière elle aussi – Vie ouvrière et campagnarde jusqu’à la réquisition – tentative avortée d’y échapper –  voulait partir en Angleterre – se déplace à vélo – dénonciation du co-locataire de chambrée   – arrestation sur le lieu de travail  – départ immédiat  – aucune valise. Présence du père alerté par Patron, de la  sœur (unique), de la fiancée et de la cousine à la Gare des B . – dernières paroles criées dans la foule -Police française Pétainiste à la manœuvre – Ne se retourne pas : « Ne m’enlevez pas mon courage ! »

Avec la mise en place du STO, le recrutement, de catégoriel, se fait désormais par classes d’âge entières. Les jeunes gens nés entre 1920 et 1922, c’est-à-dire ceux des classes « 1940 », « 1941 » et « 1942 » ont l’obligation de partir travailler en Allemagne (ou en France), s’agissant d’un substitut au service militaire. La jeunesse, dans son ensemble, devient la cible du STO. La classe « 1942 » est la plus touchée et les exemptions ou sursis initialement promis aux agriculteurs ou aux étudiants disparaissent dès juin. Théoriquement, les jeunes femmes sont aussi concernées mais, par peur des réactions de la population et de l’Église, hormis quelques cas individuels, elles ne sont pas touchées par le STO

 

Respirer un bon coup – Pleurer sur les photos en noir et blanc – si peu nombreuses – ravaler les larmes et la rage – serrer les poings – ne jamais oublier.

 

Adolescence Apprenti Menuisier Ebeniste
Dans les Vignes Beaujolaises
Premier Costume du Dimanche
FRANGIN FRANGINE André Simone VOLAND 001
Frangin Frangine
André et Aimée Fiançailles

 

Il ne faudra pas y retourner par quatre chemins – une seule ligne de train – un passage de frontière –  un exil – une captivité – une rude soumission  sous garde armée – regards fuyants ou hostiles. L’enfer sur terre. Le reconstituer ?

Inventorier les choses sûres :  date de naissance- 7 Juillet 1921 à 9h45 – lieu de naissance Fareins dans l’Ain  au Château de Fléchères où parents employés : lui Régisseur Jardinier, elle  Couturière-Tuberculeuse – Orphelin de mère en 1933 – Une petite sœur qu’il appelle Monette – Solidarité – Remariage paternel 1938  – Un homme ne peut pas rester  seul – Mariage arrangé – Une Italienne – Vie ouvrière et campagnarde jusqu’à la réquisition – tentative avortée d’y échapper –  se déplace à vélo – dénonciation du co-locataire   – arrestation sur le lieu de travail  – départ immédiat  – aucune valise. Présence du père alerté par Patron, de la  sœur (unique), de la fiancée et de la cousine à la Gare des B . – dernières paroles criées dans la foule -Police française Pétainiste à la manœuvre – Ne se retourne pas : « Ne m’enlevez pas mon courage ! »

Avec la mise en place du STO, le recrutement, de catégoriel, se fait désormais par classes d’âge entières. Les jeunes gens nés entre 1920 et 1922, c’est-à-dire ceux des classes « 1940 », « 1941 » et « 1942 » ont l’obligation de partir travailler en Allemagne (ou en France), s’agissant d’un substitut au service militaire. La jeunesse, dans son ensemble, devient la cible du STO. La classe « 1942 » est la plus touchée et les exemptions ou sursis initialement promis aux agriculteurs ou aux étudiants disparaissent dès juin. Théoriquement, les jeunes femmes sont aussi concernées mais, par peur des réactions de la population et de l’Église, hormis quelques cas individuels, elles ne sont pas touchées par le STO

Respirer un bon coup – Pleurer sur les photos en noir et blanc – si peu nombreuses – ravaler les larmes et la rage – serrer les poings – ne jamais oublier.

 

[ A suivre ]